Nuits et jours debout
IL Y A UN MYSTÈRE FRANÇAIS encore plus grand que celui de la graisse de canard qui ne donne pas de cholestérol ou de Drucker qui présente en 2016 une émission le dimanche, c’est le regard que les Français portent sur leur jeunesse. Une étude parue dans le Figaro nous informe qu’une grande majorité des Français aurait une mauvaise opinion des jeunes. Qu’ils considèrent comme velléitaires, fainéants, toujours sur leurs téléphones portables, incapables de se prendre en charge, parasitant les parents, j’en passe et des meilleures.
Plus étrange encore, ces Français sont les seuls dans le monde occidental à porter un tel jugement sur leur jeunesse ; pourtant on constate que grosso modo, les jeunes ont à peu près les mêmes comportements de New York à Londres en passant par la place de la République à Paris. À ce propos d’ailleurs, le mépris de certains politiques pour les « Nuit debout » est surprenant.
Car, somme toute, les jeunes réunis à travers la France, plutôt issus des classes moyennes et bourgeoises, recréent des agoras de discussions démocratiques tels qu’en rêvent tous les dirigeants du monde. On se rassemble, on discute, on invente, on rêve et l’on cherche le moyen de se faire entendre. Sommes-nous si fiers de nous, adultes, responsables, politiques, intervenants sociaux que nous puissions nous passer des idées de la jeunesse ? Qu’avons-nous à leur offrir de si merveilleux qu’ils soient satisfaits ?
Je rappelle à ces vieux barbons sûrs d’eux, que toutes les dernières inventions utiles de type « Blablacar, Uber et autres applications de smartphones » ont germé dans la tête de jeunes post-adolescents, conscients de leur époque. Je rappelle aussi que, quoi que l’on fasse ou dise, ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui imposeront leurs modes de pensée, leur mode d’agir et que l’un dans l’autre, la génération au pouvoir s’adaptera en grognant comme elle l’a toujours fait. Oui, les jeunes sont dans la rue ! Mais où peuvent-ils être ? À l’Assemblée nationale ? Oui les jeunes gueulent et manifestent pour se faire entendre ! Mais qui les représente ? Quel responsable politique parle au nom de la jeunesse ?
Ce mouvement, comme tous les mouvements de jeunesse actuels, est international, il dépasse les frontières et les clivages politiques. On comprend qu’il y ait de la résistance ! Mais les digues cèderont, c’est une question de temps.
Etienne Liebig
Nota - Article publié dans Lien Social n°1184
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