N° 1271 | Le 14 avril 2020 | Critiques de livres (accès libre)
La voix des damnés
Ils ont quitté leur terre pour trouver un lieu où pouvoir enfin réussir à vivre dignement. On parle souvent d’eux. Mais ils s’expriment rarement. Pauline Bandelier a recueilli leurs témoignages. Le récit de leur périple est effroyable. Ils ont quitté leur terre au prix de risques fous, abandonné leurs proches, lâché ce qu’ils avaient mis une vie à construire. Ils s’en sont allés, sans savoir s’ils pourraient un jour revenir. Il leur en a fallu du courage et de la ténacité pour affronter l’inconnu. Ils ont été confrontés à un voyage d’une violence inconcevable : kidnappés, mis en esclavage, violés, torturés, rackettés, menacés de mort, embarqués sur de frêles embarcations prévues non pour naviguer, mais pour tenir quelques jours en mer. Le carburant qui manque, le caoutchouc qui se fissure, le bateau qui se dégonfle… et c’est le chavirement et la noyade assurés. « Même à mon pire ennemi, je ne conseillerai pas de prendre ce chemin. On risque sa vie à chaque instant » confie l’un d’entre eux (p.51). Toutes ces épreuves pour se heurter à un mur, quand ils réussissent à arriver. Mur de la lâcheté des politiques migratoires dominées par les seuls enjeux sécuritaires ; mur de la maltraitance des institutions publiques ; mur des centres de rétention, ultime étape avant leur expulsion vers des pays aussi « sûrs » que l’Afghanistan. Un livre à lire pour choisir l’hospitalité et la solidarité plutôt que la honte.
Jacques Trémintin
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