N° 1026-1027 | Le 14 juillet 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il y a, dans l’histoire, des engagements qui nécessitent du courage et de la témérité. Ainsi, de Ralph Carr, ce gouverneur républicain du Colorado qui sera l’un des seuls responsables politiques de son pays à s’opposer, en 1941, à l’emprisonnement de ses compatriotes d’origine japonaise. Sa carrière en sera ruinée. Ainsi d’Helen Saz-man, l’une des rares députées d’opposition du parlement sud africain à s’opposer frontalement, des années durant, au régime d’apartheid. Elle sera souvent menacée par les affidés du régime. Ainsi, de Paul Rusesabagina qui sauvera des milliers de Tutsis, en plein massacre du Rwanda, en 1994. Il aurait pu être tué. Tous ces actes de bravoure individuelle supposent beaucoup d’abnégation. Mais tout le monde n’est pas forcément prêt à risquer sa vie ou sa tranquillité, ni à se sacrifier pour assumer ainsi ses convictions. Pour autant, il existe parfois des gestes simples, bien moins impliquants qui peuvent avoir des conséquences non négligeables.
À l’image de ces habitants de Swidnik, en Pologne, décidant de protester contre l’état de siège décrété en 1981 et la mainmise du gouvernement sur l’information : à l’heure du journal télévisé, ils sortaient en ville en promenant à travers les rues leur téléviseur, dans une poussette ou dans une brouette. Rien dans le code pénal n’interdisant jusque-là de telles exhibitions, la police resta impuissante. À l’image de ces milliers de citoyens turcs décidant de coéditer des ouvrages relatant le génocide arménien, dénonciation valant une condamnation judiciaire.
Devant le nombre d’inculpés potentiels, la justice abandonna son action. À l’image de ces étudiants d’Oxford inscrivant, sur les distributeurs de billet de la banque Barclays, des graffitis « White only », pour dénoncer la collaboration du grand groupe avec le régime de l’apartheid. La banque dut réviser sa politique financière avec l’Afrique du Sud. À l’image de ces mouvements lancés par des femmes, tant au Soudan que dans la ville colombienne de Pereira, de grève du sexe, jusqu’à ce que les hommes aient trouvé un terrain d’entente pour rétablir la paix.
Le livre de Steve Crawshaw et John Jackson fourmille de ces anecdotes réjouissantes qui montrent que chacun, à son niveau, peut agir pour tenter de changer le monde. D’une manière militante d’abord bien sûr, mais aussi parfois par des gestes beaucoup plus ordinaires. « Dans le futur, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale. » Paraphrasant Andy Warhol, on pourrait rajouter que chacun peut se comporter comme un rebelle pendant au moins un quart d’heure, dans son existence.
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