N° 651 | Le 30 janvier 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
La fédération des sociétés Croix-Marine, fondée en 1952, est un mouvement associatif qui regroupe aujourd’hui 400 établissements et associations impliquées dans le champ de la santé mentale. À travers les contributions de plusieurs auteurs, psychiatres pour l’essentiel mais aussi historiens, l’ouvrage tente de restituer les temps forts de cette aventure foisonnante et s’intéresse aux interactions qui ont pu avoir lieu avec les différents courants de pensée ayant marqué la psychiatrie depuis l’après-guerre. L’humanisation des lieux de soins et l’insertion des malades dans la cité sont les deux grandes idées qui ont toujours inspiré les sociétés Croix-Marine depuis les origines. Au fondement de cette éthique se trouve la conviction que les malades doivent pouvoir se soigner hors les murs de l’hôpital à condition de mettre en place des dispositifs d’accompagnement adaptés.
Si cette idée paraît aujourd’hui couler de source, il faut se souvenir qu’en ce domaine on revient de loin et que la doctrine asilaire, basée sur une prise en charge autoritaire et globale a longtemps été la règle sacro-sainte. La force de la fédération et ce qui explique son indéniable succès auprès des thérapeutes c’est sans aucun doute d’avoir su conserver une attitude ouverte, sans dogmatisme excessif. Si l’objectif était bien de rallier à la cause un nombre croissant d’adhérents sur tout le territoire national, il faut noter que les organes dirigeants n’ont jamais tenté d’imposer une vision totalitaire de l’hygiène mentale, respectant au contraire l’autonomie de chaque médecin dans l’exercice de ses responsabilités au niveau de son service. Il s’agissait plus de propager par le biais d’échanges, de débats, de publications, une philosophie partagée de la santé mentale.
Si la Croix-marine est restée étonnamment absente de la mise en place des secteurs impulsée par les pouvoirs publics à partir de 1960, il faut par contre reconnaître que son développement s’est inscrit dans une période où la psychiatrie française a connu une effervescence notable : remises en question théoriques, élaborations de pratiques nouvelles, expérimentations, redéfinitions du rôle du psychiatre, etc. L’époque est en effet marquée par une double prise de conscience. D’une part, on se rend compte que la maladie ne se développe pas en dehors des déterminismes propres à la personne du malade lui-même. D’autre part, l’influence des facteurs sociaux sur le « psychologique » apparaît de plus en plus clairement. Ces nouvelles perspectives ne sont pas encore, au jour d’aujourd’hui, épuisées. Gageons que la fédération Croix-Marine poursuivra sa fructueuse réflexion en ces domaines.
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