N° 622 | Le 23 mai 2002 | Philippe Gaberan | Critiques de livres (accès libre)

Premiers pédagogues : de l’Antiquité à la Renaissance

Sous la direction de Jean Houssaye


éd. ESF, 2002 (438 p. ; 38,90 €) | Commander ce livre

Thème : Pédagogie

Par cet ouvrage sur les « Premiers pédagogues : de l’Antiquité à la Renaissance », Jean Houssaye et ses collaborateurs offrent au lecteur la possibilité de sortir d’une vision déterministe du devenir humain : il n’y a pas un destin propre à l’espèce humaine comme il n’y a pas non plus une sorte de progrès inéluctable et continu de la raison.

Non ! Ce que le lecteur découvre à travers une lecture patiente de cette histoire de la pédagogie, c’est le long et lent développement de ce qui fait l’humanité de l’homme au cours des 2 000 ans qui vont de l’émergence de la philosophie au sein de la cité d’Athènes à l’avènement de la Renaissance en Occident. Et là où le livre atteint certainement son but, c’est lorsqu’il parvient à ne pas donner l’impression que cette histoire est faite d’une succession de chapitres sans lien entre eux mais qu’il existe bel et bien une permanence du temps et une cohérence du devenir humain liés à une vérité patiemment établie et vérifiée au cours des âges : l’homme n’est pas créé, il se crée.

Pour les deux grands courants philosophiques de l’âge classique, le stoïcisme et l’épicurisme, « l’homme doit trouver des règles de conduite ou atteindre le bonheur en s’appuyant sur une conception de l’univers déterminé par la raison ». Dès lors, à travers les générations, s’impose à l’adulte le devoir de transmettre les savoirs acquis ; et c’est ce devoir qui fonde la dimension éthique de l’acte d’éduquer dans la mesure où il contient une finalité qui le dépasse et qui a trait avec la survie de l’espèce humaine.

À bien des égards, l’ouvrage dirigé par Jean Houssaye relève le pari insolite de ceux qui croient encore aux sciences humaines, non dans le but d’assurer une maîtrise totale sur le monde et le vivant mais dans celui de repousser les limites du non-savoir et de questionner le sens de l’existence humaine. En fait, c’est comme si les centaines de détails qui font l’extrême richesse et foisonnement de l’ouvrage servaient une seule évidence exprimée par Jean Houssaye au tout début de l’ouvrage : « On peut en revanche estimer que réfléchir est une nécessité ». Car s’il devait y avoir une fin de l’histoire, elle ne serait pas dans l’avènement d’une supposée humanité idéale mais dans la fin de l’exigence par laquelle l’homme s’impose le devoir de penser ce qu’il est. Telle est bien la mission confiée à l’éducation et dont cet ouvrage restitue le sens.


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