N° 1263 | Le 10 décembre 2019 | Critiques de livres (accès libre)
Soutenir les parents
Gilles Chénet affiche ici les trois axiomes qui ont inspiré l’expérience du Service d’accompagnement éducatif externalisé qu’il a créé dès 2007. Tout d’abord, les troubles dont sont atteints certains enfants ou adolescents ne seraient pas à relier à une quelconque origine neurologique ou génétique, mais toujours à un déficit de socialisation. L’enfant agresseur, violent et provocateur a d’abord été agressé, violenté et provoqué. Quand il baigne dans un milieu riche en stimuli, il se développe d’une manière équilibrée.
Second précepte, si l’environnement est la seule cause de ces dysfonctionnements, il est aussi le principal lieu où ils peuvent être résorbés. Les parents sont en capacité de bien éduquer leurs enfants, pour peu qu’on leur en donne les moyens et que l’on fasse appel à leurs compétences.
Troisième principe, plutôt que d’avoir recours à un placement, mieux vaut l’externaliser à domicile en aidant les parents à garder leur enfant auprès eux. Un véritable glissement s’opère alors : de l’éducation des enfants à la promotion des parents ; de la préoccupation centrée sur le mineur à la sollicitude envers sa famille ; de la prévention de la maltraitance à la bientraitance envers les adultes pour viser le petit d’Homme.
Ce système conceptuel tiendrait sa légitimité des succès obtenus lors de son application concrète. Bon, certes, cela n’a pas toujours bien fonctionné. Gilles Chénet reconnaît volontiers que les carences parentales sont parfois trop prégnantes et que la sécurité de l’enfant n’est jamais négociable. Même s’il a fallu longtemps résister à la tentation, l’internat éducatif s’est avéré quelques fois nécessaire pour que l’enfant retrouve des repères et se (re) construise. Et d’insister, avec raison, sur l’importance de ne pas confondre le soutien aux parents et la négligence de l’intérêt de l’enfant.
Au-delà des affirmations quelque peu essentialistes qui parsèment cet ouvrage, bien des réflexions et descriptions s’y avèrent fertiles. Il en va ainsi des postures professionnelles à même de modifier le rapport aux familles : certes l’authenticité, la capacité à résister aux attaques, l’engagement. Mais le vrai travail de partenariat avec les parents implique que l’intervenant admette chez eux un minimum de compétence et de potentiel et leur accorde des marges de négociation, de responsabilisation et d’autorité face aux décisions à prendre.
Jacques Trémintin
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