N° 980 | Le 8 juillet 2010 | Laurent Ott | Critiques de livres (accès libre)

Psy de banlieue

José Morel Cinq-Mars


éd. érès, 2010 (245 p. ; 13 €) | Commander ce livre

Thème : Banlieue

José Morel est originaire du Québec et est venue vivre et travailler en France ; elle exerce pour les services de PMI de Seine-Saint-Denis, comme psychologue clinicienne. C’est son quotidien, son travail, mais aussi son expérience biculturelle et sa réflexion qui constituent la trame de ce livre atypique. Présentés sous la forme de textes courts, rapides, aiguisés, les chapitres qui composent ce livre saisissent et entraînent le lecteur ; ce sont des rencontres incroyables avec des personnes marquantes qui sont pourtant les anonymes que nous côtoyons tous les jours dans la rue, le bus ou le train. C’est un regard étranger sur un quotidien qui nous déracine.

C’est un livre plein de rencontres, mais aussi de réflexion lucide et clinique. José Morel se plonge dans les ambiances qu’elle découvre au fil des visites à domicile. Elle reconstitue les histoires complexes et souvent douloureuses des mères et pères qu’elle rencontre. Elle se projette, elle imagine ; elle emploie son propre dépaysement, ses propres écorchures pour rendre compte de ce qui importe vraiment à la vie humaine : la différence de l’autre, l’ordre immuable des générations, la vie et… la mort.
C’est un livre plein de gravité, mais aussi d’étonnement. Cette banlieue dont il est question page après page devient en effet le sujet central de ce texte : elle est tantôt dépeinte dans sa tristesse et sa fatalité ; tantôt elle est décrite avec la richesse et l’espoir des gens qui la composent.

Membre d’une équipe à part entière, le travail qu’elle décrit, au-delà de la rigueur de l’analyse clinique, nous renseigne sur le social, la relation, la rencontre. C’est un monde complexe que nous donne à lire José Morel Cinq-Mars : interculturalité, misère, folie, rage et désespoir sont présents page après page. Mais c’est surtout un monde humain, qui témoigne d’une véritable confiance dans les ressources de la parole et de l’accueil de l’autre, quel qu’il soit : marginal, psychotique, handicapé ou simplement détruit par la vie. La banlieue dont il est question n’est que la conséquence d’une forme d’inconditionnalité dans l’accueil et la rencontre. Ce livre nous parle de ce que nous connaissons, mais le remet en ordre, et nous permet de saisir du sens.

Ainsi le titre, peut être mal choisi, de Psy de banlieue n’a rien à voir avec une accroche commerciale. C’est bien de la banlieue, comme territoire dont il s’agit dans toute la réalité : « Je n’ai pas su tout de suite que je l’avais trouvé [ce territoire que je cherchais ndlr]. C’est à l’émotion violente qui m’avait saisie, un jour, en route pour le service que je l’ai reconnu. C’était une joie puissante, sauvage, presque. Sentiment d’être là au bon, endroit, au bon moment. Etre là, là chez moi ». C’est ce désir d’agir ici et maintenant qui traverse tout ce livre ; être soi dans son travail, prendre en compte la vie, sortir des murs des institutions et des discours tout faits des médias. Le livre de José Morel Cinq-Mars est une invitation au voyage… chez nous !


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