N° 661 | Le 10 avril 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
Initiatives originales que celles lancées par l’association « Permis de vivre la ville ». Inspirée par la culture de l’implication des quartiers défavorisés d’Amérique latine, elle met en oeuvre dans des zones urbaines difficiles des projets dont l’essence même repose sur la participation des habitants. Prenant appui au démarrage sur des compétences pluridisciplinaires (sociologue, urbaniste, médecin, etc.), elle peut s’adjoindre en fonction des actions menées le conseil d’autres partenaires (metteur en scène, scénariste ?). Cet ouvrage, abondamment illustré et riche de nombreux témoignages, retrace l’histoire d’un court métrage réalisé avec le concours de la population de Chambéry-le-Haut. C’est aussi l’occasion de synthétiser le capital de savoir-faire accumulé par l’association au fil de ses expériences.
La culture de la participation repose sur une conviction profonde : les modes de vie et façons de faire dans les quartiers peuvent être à l’origine de dynamiques locales positives qui s’opposent aux processus d’exclusion. C’est donc à partir du « terrain », des cultures ancrées dans la proximité que doivent s’élaborer des projets qui permettront de formuler de manière créative des attentes, des besoins voire, de commencer à envisager des solutions aux problèmes du quotidien. Il s’agit également, grâce à la participation de tous, de casser les catégorisations sociales forgées sur un repérage négatif des individus (les « sans-papiers », les « sans-travail », les « mal-logés »). L’objectif est enfin de dépasser les clivages exacerbés, générateurs de violence, qui structurent les relations sociales dans certains quartiers : défiance réciproque entre « jeunes » et « vieux », rivalités de territoire entre bandes d’adolescents, rapports de domination exercés par les garçons sur les filles, suspicions en tous genres dont la plus perverse aboutit à criminaliser d’office le « jeune des cités » reconnaissable à sa casquette et à son jogging de marque.
La réalisation du petit film Maman t’as pété les plombs à Chambéry-le-Haut a effectivement été l’occasion de vérifier concrètement « l’efficacité » sociale de ce type d’initiative. Implication des habitants de tous âges, expression forte d’un imaginaire collectif, recours aux compétences artistiques locales, le projet a permis, à travers la fiction du scénario, à la fois de porter un regard renouvelé sur la cité mais également de constituer une sorte de mémoire partagée entre tous les acteurs concernés. Depuis lors, chaque année et à date fixe, une fête de quartier perpétue à sa manière la solidarité qui s’est créée au moment du tournage. On ne pouvait imaginer prolongement plus heureux.
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