N° 1133 | Le 23 janvier 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Quel accueil pour la folie ?

Guy Baillon


éd. Champ Social, 2011 (345 p. ; 20 €) | Commander ce livre

Thème : Psychiatrie

Guy Baillon plaide ici pour une psychiatrie humaniste qui s’oppose à cette psychiatrie traditionnelle qui fut longtemps fondée sur l’enfermement systématique, la séparation du patient d’avec sa famille, un mode de protection rigide et la centration de la thérapie sur les dysfonctionnements du seul patient, l’environnement étant exempté de toute responsabilité.

L’auteur décrit la longue transformation des soins apportés aux malades mentaux et les révolutions qui émergèrent tant à l’époque de Pinel, d’Esquirol et de ce Pussin bien trop ignoré (qui initia, le premier, le « traitement moral » face à la folie), que de la psychothérapie institutionnelle contemporaine. Il porte un regard tout à fait revigorant sur l’officialisation du handicap psychique par la loi de 2005, la survenue des « usagers de la psychiatrie » sur la scène publique ou encore la confusion entre les soins apportés à la psyché (se concrétisant en temps d’échanges) et la médecine ou la chirurgie (se décomposant en une série d’actes).

S’opposant à la classification de la maladie mentale qui constitue, à ses yeux, une compilation plus que douteuse, il lui préfère une définition qui cherche, avant tout, à réhumaniser la folie. La souffrance psychique est la marque d’un obstacle bloquant l’accès à la vie intérieure. Le défi lancé à la psychiatrie consiste à libérer cette voie encombrée en proposant un bain de parole et un flux de mots destinés dans un premier temps à apaiser, et dans un second temps à favoriser l’accès à une élaboration psychique. Dès lors qu’on s’adresse au patient avec bienveillance et humanité, il est possible d’aller à sa rencontre. On peut l’accompagner dans un processus de réappropriation de sa liberté et de sa fluidité tant mentale que sociale. Cela implique du temps, de la patience et une vraie capacité d’accueil, excluant toute tentative de contrôle ou de maîtrise.

S’il condamne les firmes pharmaceutiques quand elles font croire qu’à chaque symptôme correspondrait une molécule… mise sur le marché par leurs soins, l’auteur ne s’inscrit pas, pour autant, dans la défense et illustration d’une seule et même école. Bien au contraire : chaque approche, qu’elle soit psychanalytique, cognitiviste, comportementaliste ou biologique « est excessive quand on lui donne une place exclusive sur le terrain, seule leur complémentarité peut être bénéfique » (p.97). Et de définir les quatre réponses possibles à articuler : la psychothérapie toujours, les médicaments souvent, les soins institutionnels assez souvent et le travail avec l’environnement du malade presque toujours.

Considérer l’homme dans une globalité incluant le sujet et son contexte, assurer la continuité des soins, leur accessibilité et leur disponibilité et accorder la primauté à l’humain, tels sont les fondamentaux de la psychiatrie à préserver, si l’on veut éviter la création de nouveaux espaces asilaires.


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