N° 858 | Le 25 octobre 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La France a connu ces dernières années une évolution qui l’a amenée à choisir une solution moyenne entre l’inclusion radicale (que l’on trouve par exemple en Italie où 98 % des élèves porteurs de handicap fréquentent l’école ordinaire) et la dimension ségrégative pure (prévoyant comme dans certains länder allemands un accueil systématique en institution spécialisée pour tous les enfants ne pouvant suivre le programme scolaire).
Notre pays a fait le choix de privilégier l’accès au dispositif ordinaire chaque fois que cela est possible. En même temps, « l’intégration scolaire ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen parmi d’autres, proposé à l’enfant de réaliser son parcours scolaire à la hauteur de ses capacités et selon le niveau d’adaptation de son environnement » (p.77). Ces modalités peuvent recouvrir des situations très hétérogènes qui pour être désignées sous le même vocable, recouvrent des réalités bien distinctes. Cela peut aller de la scolarisation à plein temps à la présence quelques heures à peine, de l’implantation d’une classe spécialisée dans une école ordinaire à une insertion individuelle…
Dans l’idéal, on devrait disposer de passerelles diversifiées entre l’école et le service spécialisé, permettant un parcours diversifié. Dans les faits, les ponts sont difficiles à établir : c’est plutôt l’offre de places qui détermine l’orientation. C’est que règne encore un large scepticisme chez les acteurs scolaires (enseignants comme parents d’élèves) concernant l’entrave représentée pour la progression des autres élèves, par l’intégration d’enfants porteurs de handicap. Chacun peut alors défendre des valeurs généreuses et humanistes, tout en refusant de les appliquer à soi-même, en se justifiant par des raisons tout à fait légitimes à ses yeux. C’est bien pourquoi, il est essentiel de ne pas décréter l’intégration, mais de la négocier, de préférer l’incitation à l’obligation, de ne pas la fonder sur le seul droit, mais surtout sur la bonne volonté des acteurs. Car il ne faut pas se leurrer : les enseignants démunis de cadre théorique clair et de moyens supplémentaires ne peuvent qu’appréhender cette intégration qui rompt avec tous leurs repères.
L’auteur nous présente un véritable protocole susceptible de préparer les acteurs à cet accueil. Tout d’abord, laisser la liberté à l’enseignant de s’engager volontairement. Lui proposer ensuite une expérience collective, afin qu’il ne se sente pas piégé seul face aux difficultés qu’il va rencontrer. Privilégier encore une temporalité à temps partiel, avant d’envisager un passage à temps complet. Garantir enfin une sortie du dispositif d’intégration, afin d’éviter son caractère inéluctable qui peut ne pas donner envie d’essayer. Ces conditions doivent permettre à cet ensemble d’idées généreuses que constitue le projet d’intégration scolaire de ne pas produire d’effets contraires aux attentes premières.
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