N° 1018 | Le 12 mai 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les gouvernements successifs qui n’ont eu de cesse de proclamer leur intention de préserver le modèle social français, sont les mêmes qui n’ont pas arrêté de tenter de le détruire. Se ralliant tant au traité de Maastricht, qu’aux directives européennes successives qui prévoient la dérégulation des services publics, ils ont soumis ces institutions au dogme libéral de la concurrence libre et non faussée. La performance, la rentabilité et le commercial sont devenus la pierre angulaire de leur gestion. Les hôpitaux publics ? Les établissements de proximité sont fermés, car pas assez rentables. Se rendre aux urgences nécessitera parfois d’une à deux heures de route.
Mais l’essentiel est quand même que la Générale de santé, qui possède 180 cliniques privées, puisse distribuer 420 millions d’euros à ses actionnaires. Le service de La Poste ? En 1914, on comptait 19 000 bureaux pour 40 millions d’habitants. Il est question de n’en laisser subsister que 6 000, alors que nous sommes 66 millions. La fourniture d’électricité ? L’ouverture au marché au privé a fait exploser les prix : jusqu’à 74 % d’augmentation à Bordeaux. Les transports ferroviaires ? En 1985, la SNCF renouvelait 1 000 km de voies chaque année. Aujourd’hui, elle en renouvelle moins de 450 km.
Après dix ans de privatisation, les chemins de fer anglais sont revenus dans le domaine public, avec à la clef une facture de 21 milliards de livres nécessaires, pour tout remettre en état. Le vote consensuel par nos propres députés, de droite comme de gauche, de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a permis l’élaboration de la révision générale des politiques publiques (RGPP), véritable régression des politiques publiques dont le principal résultat a consisté dans le plus grand plan social n’ayant jamais existé : la suppression de 200 000 postes de fonctionnaires. France Télécom, présenté comme laboratoire social de cette transformation, a montré ce dont ce management était capable : le stress, la mauvaise conscience, le dégoût du travail y sont à l’origine de dizaines de suicides au travail.
C’est de cet immense gâchis dont porte témoignage Jacques Cotta, dans ce livre reportage qui rend compte des dégâts occasionnés aux quatre coins de notre pays. Des résistances, il y en a eu. Certaines ont payé. Comme ce jugement du tribunal administratif ordonnant la réouverture d’une maternité. Ou cette occupation du chantier de construction du viaduc de Millau, le coût en résultant équivalant très vite au budget de fonctionnement d’une année de l’hôpital menacé de fermeture. Mais qu’allons-nous léguer à nos descendants de ces services publics qui, censés privilégier la reproduction des forces productives, en assurant la formation, les soins et le transport des salariés, n’en ont pas moins satisfait au bien-être des populations ?
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