N° 924 | Le 9 avril 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’internat spécialisé a mauvaise presse. Il est critiqué tant pour son coût prohibitif que pour l’insuffisance de visibilité de ses résultats, sans oublier ses difficultés à contenir les groupes d’adolescents ingouvernables. Il faut dire que la mission qui lui est confiée par la société est paradoxale : faire vivre ensemble des individualités en grande souffrance tout en personnalisant chaque parcours à coup de flexibilisation des modes d’organisation, de sur-mesure et de diversification, proposer du collectif, alors même que seul est valorisé l’individualisme. L’internat avait déjà beaucoup évolué : transformation des gros établissements en petites unités, ouverture sur l’extérieur, professionnalisation des intervenants, multiplication des formes d’accueil…
Deux réformes structurelles récentes ont fini de le déstabiliser. L’application des 35 heures, tout d’abord, et son lot de segmentation des horaires qui a remis en cause la continuité de la présence éducative auprès de l’enfant. La loi 2002-2 ensuite, qui en mettant l’accent sur la place et l’implication des parents et la contractualisation avec eux, est venue percuter le registre de la substitution et du rapt qui a fondé pendant longtemps le fonctionnement de l’internat.
Forts de ces constats, les auteurs en appellent à une « démarche d’aggiornamento que la situation rend inévitable » (p.194). Ce qu’ils proposent ne s’inscrit ni dans la protection de l’enfant orientée contre ses parents, ni dans la préservation de la famille qui impliquerait la négligence à l’égard de l’enfant. Ils cherchent au contraire à impulser de nouvelles théories et modes de décodage qui favoriseraient la synthèse entre ces deux options. Le placement ne doit plus être perçu, plaident-ils, comme une sanction venant stigmatiser un dysfonctionnement parental grave, mais plutôt comme un moyen de travailler à améliorer la situation. La conviction qu’il ne peut exister qu’une seule place à occuper auprès de l’enfant doit céder la place à la concrétisation de la notion de co-éducation et de parentalité additionnelle et ainsi remettre en cause l’idéalisation d’une institution présentée comme seule apte à bien faire face à des parents forcément défaillants. La séparation psychique ne doit plus être conçue comme le corollaire de la séparation physique : l’identité de l’enfant est inséparable de ses liens d’appartenance familiaux.
Il n’est donc plus possible d’accompagner l’enfant sans en faire de même avec sa famille : ce qu’il faut placer au centre, ce n’est ni l’enfant, ni ses parents, mais le lien psychique perturbé qui les relie. Il faut réussir à protéger l’enfant tout en établissant une alliance avec ses parents. C’est la voie qui devrait permettre d’adapter le cœur de métier de l’internat aux mutations en cours, sans renier ses valeurs traditionnelles.
Dans le même numéro
Critiques de livres