N° 1086 | Le 13 décembre 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Voilà un ouvrage d’autant plus utile à lire que le thème qu’il traite est particulièrement délaissé. Pendant longtemps, l’existence des orphelins fut marquée par la tragédie et la surmortalité. La littérature populaire fourmille de ces récits d’enfants abandonnés, endeuillés, voués à la débrouillardise et à une survie précaire. Un enfant sur deux perdait un parent avant d’atteindre ses vingt ans. Et puis, les progrès de la médecine permettant de réduire massivement la mortalité, le nombre des orphelins a été divisé par quinze en l’espace d’un siècle. Si l’on ne peut que se réjouir de cette diminution, l’effet pervers qui en a résulté est l’effacement dans le paysage d’un fait social qui n’en a pas pour autant disparu. Et c’est tout l’intérêt du travail de Florence F. Valet que de donner un coup de projecteur sur la destinée contemporaine de l’identité orpheline.
La première réalité qu’elle essaie d’établir concerne la situation numérique des orphelins dans notre pays. Aucune étude directe n’existant depuis 1947, c’est à travers des recherches parallèles qu’elle évalue à 500 000 le nombre de personnes de moins de vingt et un ans ayant perdu l’un ou l’autre de ses parents (soit 3 % de cette classe d’âge).
L’auteur établit ensuite la forte corrélation entre la disparition du parent et les inégalités sociales : deux orphelins sur trois sont issus des classes sociales les plus défavorisées. Autre déséquilibre, la mort du père trois fois plus fréquente que celle de la mère. Certaines professions apparaissent, en outre, surreprésentées, tels les policiers ou les pompiers.
Après avoir dressé cet état des lieux, Florence F. Valet s’intéresse à l’ampleur du drame affectif et psychologique vécu par l’enfant. « Comme tout épisode violent assombrissant un être en plein développement physique et mental, des probabilités existent de diverses complications possibles », explique-t-elle (p.126). Se refusant à voir dans cette perte un risque pour l’avenir, ou au contraire la possibilité d’une réaction créatrice pour un enfant qui voudra prendre sa revanche, elle cherche surtout à identifier les lignes de fragilité. L’auteure consacre de longues pages à la représentation de la mort selon l’âge de l’enfant, à la situation du parent survivant devant faire face à la fois à la disparition de son conjoint et à la nécessaire présence auprès de son enfant ou encore à l’association de ce dernier aux cérémonies funéraires. Si la mort d’un proche provoque une commotion cérébrale, l’enfant est confronté à un double deuil : la perte de l’un de ses parents et l’effondrement de l’autre, rappelle-t-elle, démontrant la pertinence de sa réflexion réussie sur ce thème.
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