N° 1264 | Le 7 janvier 2020 | Par Aurélie Cerdeira, Marion Loupret et Maurine Poueys, étudiantes de seconde année en formation d’éducatrice spécialisée à Etcharry Formation Développement | Espace du lecteur (accès libre)
Dans le cadre d’un « stage projet », trois étudiantes ont conçu une conférence consacrée à un public délaissé : les auteurs de violences sexuelles sur mineur.
Nous voulions choisir un sujet innovant et « nous mettre à place de », afin de prendre connaissance des caractéristiques de la personne, mais aussi des accompagnements dont elle peut bénéficier. Identifiant les besoins et les attentes auprès des professionnels du territoire, nous n’avons pu que constater le vide existant pour les personnes pédophiles. Au niveau national, il existe bien l’association L’ange Bleu et au niveau international le site internet appelé PedoHelp. En région Nouvelle-Aquitaine, on retrouve une seule unité nommée Équipe ressource d’information, d’orientation et de soutien ainsi qu’un Centre Ressource auprès des intervenants d’auteurs de violences sexuelles (ERIOS-CRIAVS). Notre projet avait pour ambition de sensibiliser les professionnels et futurs professionnels du social, médico-social, médical et du judiciaire à cette population. Nous souhaitions réaliser un court-métrage comportant des témoignages et faire intervenir des professionnels de l’unité ERIOS-CRIAVS et du barreau. Nous nous sommes rendues compte que la location d’une salle et la réalisation audio-visuelle allaient être onéreuses. Pour nous auto-financer, nous avons mis en place une cagnotte en ligne, mais cela n’a pas été suffisant. Nous avons alors démarché des commerçants de Bordeaux. Mais il a été difficile d’avoir des retours, sans doute en lien avec le sujet abordé. Nous nous sommes réajustées en nous tournant vers les professionnels du barreau susceptibles de défendre des victimes mais aussi des auteurs de violences sexuelles.
Est arrivé le jour de la conférence. Nous avons d’abord visionné le court-métrage que nous avions réalisé présentant trois témoignages choisis sur le site internet de l’Ange bleu (avec l’accord de Madame Bennari, sa présidente). Le premier retraçait le cheminement d’un adolescent de 15 ans vers la pédopornographie ; le second présentait un homme emprisonné pour avoir agressé sexuellement sa fille. Le dernier évoquait l’attirance d’un adulte envers les enfants, interrogeant la pédophilie, ses conséquences, ainsi que la vision globale du monde sur les personnes vivant ces pulsions. Dans un second temps, une psychologue clinicienne d’ERIOS-CRIAVS a apporté des éléments théoriques : les différents profils et leur problématique (on parle majoritairement d’hommes adultes, mais dans 4 % des cas des femmes sont également auteures, tout autant que des mineurs dans 25 % des cas). Elle a également abordé l’évaluation des risques de passages à l’acte, la façon de mener un entretien et les modalités d’accompagnement. Un avocat a ensuite apporté des éléments législatifs tant sur la défense des victimes que sur celle des auteurs de violences sexuelles sur mineur, faisant le point sur les peines encourues pour une personne ayant commis des actes sexuels sur mineur ou détenant des photos ou des vidéos à caractères pédopornographiques. Puis, est venu le moment du débat. La nécessité de prise en charge de soin par le biais de thérapies, le fait de ne pas rester figé sur un « profil type » a fait consensus. Une question a porté sur « l’héritage » de ce trouble. Un participant a évoqué comment, dans certains cas, les auteurs de violences sexuelles sur mineur ont eux-mêmes subis ces actes. Il a développé les actions à réaliser, au quotidien, afin d’éviter que l’enfant reproduise le schéma de ce qu’il a subi. La prévention a aussi été abordée. Quelques associations font intervenir ERIOS-CRIAVS pour former les salariés à recevoir la parole d’une personne pédophile et à savoir vers qui l’orienter. En France, il y existe peu de structures avec des professionnels spécialisés dans ces troubles.
Nous nous sommes interrogés sur la répression et surtout sur l’efficacité de la prison pour soigner. En effet, présente avant et après l’enfermement, l’injonction de soin ne l’est pas durant la peine. De ce fait, l’auteur ne bénéficie pas du suivi d’un spécialiste pour traiter sa problématique. Le traitement médical administré est-il réellement efficient, quand on sait que la castration chimique n’enlève pas les désirs, ni la libido.
Au final, cette conférence, nous a permis de faire du lien avec notre futur métier d’éducatrices spécialisées. Notre formation nous amène régulièrement à déconstruire les préjugés inculqués par la société. Nous nous sommes saisies de ce stage pour chercher nous-mêmes à faire évoluer nos représentations. Nous retenons que l’important dans un sujet tel que celui-ci, qui peut « bousculer » est de communiquer sur nos ressentis, sur ce que nous apprenons et sur ce qui nous heurte. Pour mener un entretien ou accueillir la parole d’un auteur de violence sexuelle sur mineur, il est nécessaire de le considérer en tant que personne et non pas comme pédophile. En effet, au-delà d’avoir des troubles de la relation à l’autre, ce sont des personnes à part entière. Le but est de prendre en compte ce qu’elles disent, sans émettre de jugement et de rester dans de la bienveillance. Cela peut paraître surprenant, car les mots de celle ou celui qui est atteint de troubles pédophiles peuvent nous renvoyer des choses en tant qu’humain. Après cette conférence, le tabou de la pédophilie n’a pas été remis en cause, chacun étant conscient du degré de sensibilité de ce sujet. Nous avons cependant relevé, grâce aux discussions avec la psychologue de ERIOS-CRIAVS, qu’utiliser le terme « auteur de violence sexuelle sur mineur » était plus entendable que « pédophile ».