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🎥 SĂRIE âą Crier au loup
La sĂ©rie danoise programmĂ©e les jeudi 19 et 26 janvier sur Arte (et disponible en replay jusquâau 26 mars) est particuliĂšrement inspirĂ©e et inspirante. Traitant avec une intelligence rare de la question des violences intrafamiliales, elle met en scĂšne Lars, un assistant social en protection de lâenfance, confrontĂ© Ă une famille composĂ©e dâun couple parental que rien ne semble distinguer de son milieu de couches moyennes. La mĂšre, DĂ©a, est une Ă©ducatrice expĂ©rimentĂ©e dans une crĂšche et le pĂšre travaille pour la cantine dâune grande entreprise. Les deux enfants, Holly 14 ans et ThĂ©o 9 ans, pourraient vivre sereinement dans un cadre confortable.
LâĂ©nigme
Le premier Ă©pisode dĂ©bute, pourtant, par un entretien menĂ© par Lars auprĂšs dâHolly et de ThĂ©o dans leur Ă©tablissement scolaire. La raison ? Lâadolescente a rendu Ă son enseignant une rĂ©daction qui dĂ©crit des scĂšnes ne laissant aucun doute sur lâambiance violente qui y rĂšgne.
Sans vouloir donner aucun Ă©lĂ©ment qui dĂ©florerait le suspense habilement entretenu, constatons nĂ©anmoins que cette sĂ©rie fonctionne sous le rĂ©gime de la douche Ă©cossaise, au rythme des informations contradictoires qui sâĂ©grĂšnent au fil des Ă©pisodes, bousculant les convictions du tĂ©lĂ©spectateur Ă chaque tournant de lâaction.
Faut-il accrĂ©diter lâappel Ă lâaide quâHolly a transmis dâune maniĂšre dĂ©tournĂ©e ou est-elle une affabulatrice jalouse dâun beau-pĂšre qui lui a pris sa mĂšre ? Ce couple cache-t-il une sinistre rĂ©alitĂ© ou est-il victime de la crise dâadolescence de son aĂźnĂ©e ? Faut-il plutĂŽt croire en une accusation sans preuve ou prĂ©fĂ©rer les dĂ©nĂ©gations du reste de la famille ? Lars est-il un excellent travailleur social Ă lâinstinct des plus fertile ou est-il aveuglĂ© par son propre passĂ© douloureux ? Le doute sâinstille Ă chaque instant, renforçant lâune des hypothĂšses, avant que celle-ci ne soit contredite par la scĂšne suivante.
Proximité avec le réel
Le souci de la rĂ©alisatrice est sans nul doute, en accumulant tant dâĂ©lĂ©ments contradictoires, de capter et de maintenir lâattention du tĂ©lĂ©spectateur jusquâau dernier opus au cours duquel la vĂ©ritĂ© Ă©clate. Le procĂ©dĂ© est particuliĂšrement efficace. Mais le rĂ©sultat va bien au-delĂ dâun scĂ©nario dĂ©pliĂ© avec subtilitĂ©. Il dĂ©crit Ă©tonnamment la dynamique qui se dĂ©roule en protection de lâenfance oĂč lâincertitude, lâembarras et les hĂ©sitations relĂšvent du quotidien. JusquâoĂč accrĂ©diter la parole reçue ? Comment Ă©valuer la moins mauvaise options (le traumatisme du placement ou le risque du maintien dans le milieu familial) ? La prioritĂ© doit-elle ĂȘtre donnĂ©e aux intuitions plutĂŽt quâaux preuves formelles (ou lâinverse) ? Tous ces questionnements sont au cĆur dâune pratique professionnelle qui sâappuie parfois sur des Ă©lĂ©ments clairs et prĂ©cis, mais qui sont frĂ©quemment beaucoup plus ambivalents et alĂ©atoires. Certaines scĂšnes, propres au dispositif juridique danois, ne manqueront pas dâĂ©tonner le praticien hexagonal comme cette solitude Ă©tonnante du travailleur social et ses prises de dĂ©cision hors-cadre ou encore la compĂ©tence de la commune dans la mission de protection de lâenfance et la mesure judiciaire dĂ©cidĂ©e par une commission prĂ©sidĂ©e par un juge des enfants dont la voix ne prĂ©vaut pas (la dĂ©cision se faisant au vote majoritaire).
RĂ©flexes professionnels
Mais, les professionnels retrouveront tout autant des rĂ©flexes particuliĂšrement adaptĂ©s qui leur sont familiers, tant chez lâassistant social que chez lâassistante familiale chez qui Holly et ThĂ©o sont placĂ©s. Et ils reconnaĂźtront la souffrance extrĂȘme quâil croise si souvent tant chez les enfants que chez les membres de leurs familles. Pour le profane, les huit Ă©pisodes dâenviron 50 minutes chacun peuvent apparaĂźtre parfois un peu long. Mais, ils offrent cette possibilitĂ© rare de creuser profondĂ©ment le sillon des ressorts psychologiques, Ă©motifs et humains du fonctionnement de chacun des personnages servis par un jeu dâacteur exceptionnel. Entre un assistant social taiseux, une adolescente mutique au regard si loquace, un petit frĂšre ravagĂ© par la douleur de la sĂ©paration et des parents tĂ©tanisĂ©s par les accusations portĂ©es contre eux, les personnages mis en scĂšne ne sont certes pas reprĂ©sentatifs, chaque situation Ă©tant unique. Mais, leur singularitĂ© marquĂ©e au sceau dâune impressionnante vĂ©ritĂ© met en exergue la difficultĂ© de lâintervention sociale dans des situations familiales aux contours parfois Ă©quivoques, souvent dĂ©sarçonnant, toujours Ă©nigmatiques comme peut lâĂȘtre le fonctionnement humain.