N° 771 | Le 27 octobre 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
D’aucuns expriment leur nostalgie du temps où l’enfant obéissait sans rechigner. C’était pourtant une époque où l’on identifiait éducation et soumission. Transgresser n’a rien de pathologique : « L’enfant a besoin d’être reconnu, de recevoir une réponse des adultes qui l’entourent, de vérifier les limites entre le permis et l’interdit, de tester l’autorité » (p.111). En outre, le petit d’homme n’est pas pleinement responsable de ce qu’il commet. Il a droit à l’erreur. On ne peut avoir à son égard les mêmes exigences qu’avec les adultes. L’attitude éducative lui permet certes de différer son plaisir, de tempérer ses pulsions et de faire le deuil de la satisfaction immédiate de ses désirs. Mais cela n’est pas suffisant pour éviter des transgressions qui ne peuvent se résoudre par la simple admonestation ou l’appel à la raison.
Dès lors, lui imposer des contraintes ne constitue pas un échec, mais apparaît comme l’une des réponses possibles dans la panoplie éducative qui va de la non-réaction (qui correspond trop souvent à une démission) aux châtiments corporels (qui constituent une atteinte à l’intégrité physique de l’enfant), en passant par la parole seule, la dissuasion, la privation, l’expiation, la contrainte de réflexion, l’exclusion etc. Adopter des exigences fermes n’exclut pas un dialogue chaleureux, tout comme écouter ne signifie pas céder. Cette double attitude distingue peut-être ce qui relève de l’autoritarisme, de ce qui s’inscrit plus dans l’autorité non-violente. Les comportements que l’on présente à cette occasion signent nos valeurs. Il s’agit donc de poser des actes qui établissent le cadre et la règle, tout en signifiant son respect pour la personne.
D’un côté, il y a la punition qui sert surtout à calmer la colère de l’adulte et à le déculpabiliser. Elle vise à blesser, à châtier et à soumettre celui qui la reçoit. L’humiliation, les vexations, la dévalorisation systématique, la condamnation de la personne ne sont pas loin. De l’autre côté, il y a la sanction qui cherche avant tout la réparation, la déculpabilisation et la réinsertion : c’est le moyen par lequel l’enfant élabore sa culpabilité et s’en délivre, se réconciliant avec lui et avec les autres. Ce qui permet de distinguer l’une de l’autre, c’est la réponse à deux questions : est-ce que je cherche à me venger ? L’adulte doit mettre de la distance avec l’événement qui provoque son exaspération et essayer, dans la mesure du possible, de surseoir lui aussi à ses propres impulsions.
L’objectif est-il la pénibilité ou bien la prise de conscience ? Même si la sanction ne cherche pas obligatoirement à être agréable, sa dimension plaisante à réaliser et gratifiante ne nuit pas forcément à son efficacité. Ce n’est pas le degré de souffrance infligée qui rend la contrainte efficace. Quand on fonde son autorité sur son seul pouvoir de coercition ou de subordination, elle ne tient que par la crainte qu’elle inspire.
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