N° 1061 | Le 3 mai 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le lecteur qui voudrait savoir en quelles circonstances ces étrangers ont été expulsés (il pourrait avoir honte d’être français) peut lire cet ouvrage édifiant qui décrit les actes commis en son nom, depuis des années. Fuyant la misère, la guerre ou les persécutions politiques, ils ont quitté leur pays, pensant pouvoir trouver en France l’accueil bienveillant qu’ils pouvaient espérer. Et puis, ils ont été confrontés à l’humiliation, à la violence et à l’enfermement.
Le Réseau éducation sans frontières, qui sauve notre honneur national en venant en aide à ces étrangers pourchassés, a regroupé cent quarante portraits parmi ceux publiés chaque semaine dans Charlie Hebdo. Ici, pas de grands discours, mais une description de la brutalité du sort réservé à ces hommes, à ces femmes et à ces enfants. Car, si la mobilisation associative ou tout simplement celle de voisins, de parents d’élève, de collégiens ou lycéens a parfois réussi à faire plier l’administration, bien plus nombreux sont les cas où l’expulsion a pu se concrétiser.
C’est Beslan, cinq ans, venu d’Ingouchie et enfermé durant vingt-sept jours en centre de rétention avec ses parents. C’est Figuella, quinze ans, renvoyée vers son pays natal le Congo, en pleine guerre, d’où elle était partie pour éviter d’être enrôlée dans l’armée. C’est Arton, venu du Kosovo, alors qu’il était mineur. La police a attendu qu’il ait dix-huit ans pour venir l’arrêter à la sortie de son foyer, alors qu’il allait à l’école. Un avion de la protection civile sera affrété pour l’expulser. Apprends le français. Il l’a appris. Forme-toi. Il a trouvé un métier. Intègre-toi. Il s’est intégré. Avec, au final, un arrêté de reconduite à la frontière !
À l’âge de dix-sept ans, John a fui le Kenya. Il était apprécié dans son club pour ses qualités d’athlète. Lorsqu’il reçoit le refus de sa demande d’asile, il se donne la mort, par pendaison, ne voulant ni fuir la police française, ni être confronté aux tortures qui l’attendent dans son pays d’origine. Antou, quant à elle, s’est vue refuser le renouvellement de son titre de séjour. La police vient l’arrêter alors qu’elle fait la toilette d’une personne âgée dans la maison de retraite où elle travaille. On ne lui accorde par la communication téléphonique qu’elle veut donner au collège de son fils, pour le prévenir qu’elle ne sera pas là, le soir.
Les autres histoires sont aussi bouleversantes les unes que les autres. Les préfets, les parquets, les juges, la police et la gendarmerie ont appliqué les objectifs chiffrés d’expulsion qui leur était fixés chaque année. Si l’on peut s’interroger sur le zèle avec lequel ils ont appliqué cette politique inhumaine, c’est bien le gouvernement de notre République qui en gardera à jamais la responsabilité.
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