N° 720 | Le 9 septembre 2004 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
C’est un petit livre qui cache bien son jeu que nous propose Florence Plon. En effet, de prime abord, le lecteur pense venir à bout facilement des quelque 150 pages qui constituent la matière de l’ouvrage. Mais, en réalité, le travail de l’auteur regorge de développements divers qui donnent au livre une densité que, bien souvent, d’autres textes pourtant plus volumineux n’ont pas.
Le propos général tourne autour de l’accompagnement des derniers moments de la vie. Cependant, l’approche psychanalytique retenue par l’auteur autorise des considérations qui vont bien au-delà de ce seul thème. Dans l’occident contemporain, la mort est traitée de manière aseptisée, discrète, tempérée en quelque sorte. Il s’agit avant tout d’éviter les émotions trop fortes, les ruptures trop brutales qui questionnent de manière frontale nos modes de vie basés sur la satisfaction immédiate des désirs. D’ailleurs, on ne meurt presque plus chez soi aujourd’hui mais plutôt à l’hôpital de façon à éviter l’idée même de la mort, puisque l’hôpital est le lieu où l’on est censé guérir.
Du coup, les équipes soignantes se trouvent investies, souvent sans trop de préparation, de la lourde charge d’accompagner les personnes en fin de vie. Au regard médical, « technicisant », qui a tendance à découper l’individu en autant de parties que l’on peut identifier de fonctions physiologiques, il convient de substituer une approche où les qualités humaines seront prédominantes. L’enseignement dans les facultés de la spécificité des soins palliatifs favorisera certainement dans l’avenir l’abandon de la toute-puissance médicale au profit d’une attitude plus humble et compréhensive. Pour les soignants, il s’agit aussi d’accompagner les familles en s’attachant à soulager leur angoisse. La perspective de perdre un être cher est doublement douloureuse car au-delà du deuil immédiat du parent, de l’enfant, de l’ami, c’est aussi au deuil d’une partie de soi qu’il faut se préparer.
Avec l’autre disparaît l’image de soi qui se construisait dans son regard… Florence Plon aborde également la complexité de la relation directe avec celui qui va mourir. Refus, déni, incompréhension, désespoir ne manqueront pas de se manifester. Il appartient à celui qui est présent d’adopter une attitude d’écoute de façon à aider l’autre qui souffre à « extérioriser ses affects, ses émotions, se défaire d’un poids qui l’encombre ». Donner du temps est ici une dimension capitale afin « que se disent les choses qui ont à être dites et ne pourront plus l’être après »…
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