N° 1097 | Le 14 mars 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Dans la guerre des psys, le service est assuré ici par un professeur émérite de psychanalyse. Cela commence mal, puisque le titre nous annonce que l’on va enfin nous révéler des vérités (sic !). Vient, ensuite, la critique des travaux initiaux du béhaviorisme… que plus grand monde ne défend aujourd’hui. Henry Rey-Flaud reconnaît la raison pour laquelle la psychanalyse est passée du Capitole à la roche Tarpéienne : la mise en accusation, par Bruno Bettelheim et nombre de ses successeurs, des parents et plus particulièrement des mères considérés comme responsables de l’autisme de leur enfant.
Mais, vous comprenez, les choses ont évolué depuis, nous explique l’auteur, revendiquant pour sa discipline ce qu’il déniait au comportementalisme quelques pages auparavant. Mais, chassez le naturel, il revient au galop. Henry Rey-Flaud ne peut s’empêcher de culpabiliser les parents réduits à la blessure narcissique causée chez eux par le manque de l’enfant merveilleux, accusés de ne croire qu’à ce qui fonctionne et de ne chercher à faire de leur enfant qu’un bon objet à montrer en public. Et notre thuriféraire d’en appeler à des enquêtes sur le devenir à l’âge adulte des enfants traités par les approches comportementales, ignorant les nombreuses évaluations sur les psychothérapies guère favorables à la psychanalyse. Ce qui incite le plus souvent les tenants de cette approche à en rejeter le principe même.
Mais l’ouvrage d’Henry Rey-Flaud ne se limite pas à cette défense et illustration, aussi maladroite soit-elle, d’une discipline en perte de vitesse. Il nous propose une présentation tout à fait claire et limpide des registres en présence quant aux méthodologies d’intervention face à l’autisme. À une extrémité, il y a la démarche d’un Fernand Deligny considérant que les personnes avec autisme sont les témoins d’une humanité disparue, antérieure à l’acquisition du langage que l’on doit respecter en tant que tels, toute tentative pour les ramener dans un monde dans lequel ils sont inintégrables étant assimilable à un viol. À l’autre extrémité, le comportementalisme cherche, par des conditionnements opérants et des renforcements positifs, à obtenir des conduites adaptées et une intégration minimale à l’espace social ordinaire.
Entre les deux, se situe la psychanalyse qui, refusant toute position de maîtrise et de savoir, va à la rencontre du sujet latent, l’invitant à faire émerger le potentiel qui est en lui, attendant qu’il sorte de son monde pour doucement et progressivement s’éveiller à la subjectivité. Il ne s’agit ni de le laisser être, ni d’aller le chercher, mais de l’aider à venir à lui-même. Posture qui demande beaucoup de lucidité, de patience, de compréhension, de disponibilité et de bienveillance. Voilà les enjeux clairement posés.
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