N° 1129 | Le 5 décembre 2013 | Katia Rouff | Critiques de livres (accès libre)
« Moi et mes kheys, on part sur la lune, amuse-toi bien en Meurthe-et-Moselle », chante Booba. Kheys ? « Ce sont des frères, des amis », nous explique Abdelkarim Tengour, dans Tout l’argot des banlieues. Le dictionnaire de la zone en 2 600 définitions. Synonyme de kheys ? Kho. « Ça va casser des nuques c’t’année/L’équipe dégaine, elle est grave swagguée », nous informe Sexion d’Assaut. Grave ? Complètement dérangée, de l’adverbe Gravement. Swaggué ? Qui a du style.
« Si l’argot est à la base une façon de crypter la langue officielle pour permettre à un groupe de communiquer sans être compris des autres, certains mots finissent dans le langage officiel, souligne l’auteur. C’était déjà le cas pour flic ou nana, ça l’est aujourd’hui aussi pour keuf ou meuf ».
D’Abouler (apporter, donner, payer) à Zyva (Péjoratif. Jeune des cités. Syn. lascar, wesh-wesh, zonard), ce dictionnaire nous offre un panorama complet depuis l’argot d’hier jusqu’à la langue des jeunes aujourd’hui. Au fil des pages et des définitions, il nous explique les différents procédés de création de l’argot et nous permet de découvrir des techniques linguistiques utilisées : apocope, aphérèse, suffixation, métaphore, métonymie… Sans oublier les différentes techniques de cryptage dont le plus populaire reste le verlan, apparu dès le XVIIIe siècle.
Depuis 2000, l’auteur (alias Cobra le Cynique), informaticien et « lexicographe autodidacte » se penche sur le vocabulaire des cités (quartier, tiecar, tiek, tiex…) et anime le site www.dictionnairedelazone.fr, devenu la référence du langage argotique sur internet. Une dernière petite phrase pour la route ? « Les scarla et les scarlettes pénavent pas comme les joibours de Paname ». Les jeunes garçons et filles de banlieue ne parlent pas comme des bourgeois parisiens.
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