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Sept ans et demi et déjà tout compris…
Deux ans de placement lui auront suffi à comprendre tous les rouages du fonctionnement interne et tous les rôles des professionnels qui virevoltent autour d’elle.
Elle sait devant qui pleurer pour avoir un rab de bonbon, elle sait comment parler pour embarquer l’autre dans son histoire, elle sait se jeter par terre devant la bonne personne pour avoir l’exclusivité de l’attention, elle sait à qui se confier et celle devant qui le masque peut tomber.
Elle est tiraillée pourtant cette enfant. Tantôt chez papa et maman, tantôt ici, elle manque de place pour exister dans ces deux lieux que tout oppose. Elle tente de se construire une identité bien qu’envahie par ses frères et par un passé dont elle ne sait que faire.
Elle dénonce à tout va depuis plusieurs mois des faits de grande importance, elle accuse ici et là des personnes de commettre de graves erreurs, elle multiplie les mensonges et provocations qui nous alarment tous. Elle est confrontée à un système de protection qui lui demande de rendre compte, elle se conforme aux recommandations qui viennent de toutes parts, elle se perd dans ses repères plongeant dans la spirale de la conséquence.
Des enquêtes s’ouvrent. Gendarmes, pédopsy, expertises, tout s’enchaîne. Pas une fois, mais deux. Elle va et vient dans son histoire, se confrontant à la réalité qui l’éloigne pourtant de son grand espoir. Elle qui supplie quotidiennement pour retourner en famille, elle continue pourtant à parler.
Et l’histoire la mène sur un chemin inattendu.
Droits suspendus, éloignement physique, coupure nette avec cette famille qu’elle attend tant. De longs mois à finalement accepter de grandir dans cet ici qui lui permettent de s’adonner à la douceur du quotidien. Elle s’accroche à ces personnes qui canalisent ses angoisses et ses peurs. Elle investit ces espaces où la candeur peut exister. Elle se laisse aller à des rêves plus sereins.
Mais l’histoire la rattrape un jour.
Les verdicts tombent, les décisions sont annoncées, les enquêtes se clôturent, les dés sont jetés, elle va pouvoir rentrer. Quelques larmes viennent entacher la joie de cette perspective enfin perceptible.
Et l’histoire se termine un jour.
Papa et maman viennent la chercher. La voiture se remplit de deux ans de vie. Assise dans son rehausseur, elle assiste à cette valse sans retour. Elle observe muette ces mouvements incessants jusqu’au silence.
L’histoire prend fin ce jour.
Un regard distant accompagne sa dernière phrase : "mais même si je ne suis plus ici tu resteras ma référente pour toute la vie ?"
Elle n’entendra pas ma réponse, la portière s’est déjà refermée mais ses petites mains clôturent cette vie d’ici en un cœur.