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📝 Tranche dâĂ©ducâ âą Son univers
Lâabandon.
Ce mot résume à lui seul ses sept années de vie.
Dâabord spectateur de la violence, ensuite victime des mains de ses parents, puis soumis aux injonctions des adultes, il finit par se perdre. SâĂ©tait-il dâailleurs un jour trouvĂ© ? Lâhistoire ne le dit pas.
Placé, déplacé, replacé.
Ces trois mots dĂ©finissent bien souvent le parcours d’un enfant confiĂ© Ă lâaide sociale⊠Et lui, ce pâtit gars de sept ans en est le parfait exemple.
Huit mois et puis sâen va, encore dans les couches et dĂ©jĂ sous protection. RetirĂ© de son foyer familial, il va de pouponniĂšre en famille dâaccueil, avec quelques retours chez papa et maman, pour toujours revenir en maison dâenfant. Il va de mal en pis. Il va oĂč lâespace lui permettra un jour de grandir. Il va oĂč il lui est demandĂ© dâaller.
Son passĂ© est teintĂ© dâattachements et de ruptures abruptes, Ă tort ou Ă raison, il subit les allers venus des uns et les pratiques Ă©ducatives des autres.
Depuis quelques mois il va mal, trĂšs mal.
Si le bilan de cette derniĂšre annĂ©e Ă©tait plutĂŽt positif avec un cadre sĂ©curisant bien en place et suffisamment stable pour qu’il puisse grandir avec des repĂšres structurants ; avec une scolaritĂ© adaptĂ©e Ă son profil et ses capacitĂ©s ; avec des lieux de soins investis qui permettaient une vraie mise au travail ; depuis quelques mois tout est parti Ă volo.
Ses parents ont dĂ©mĂ©nagĂ© aux grandes extrĂ©mitĂ©s de France dĂ©sormais aux abonnĂ©s absents ; sa figure principale d’attachement dans notre Ă©tablissement a quittĂ© son poste de maniĂšre imprĂ©vue dans un Ă©lan Ă©motionnel dĂ©stabilisant ; sa scolaritĂ© est difficilement tenable avec une maitresse dĂ©passĂ©e par le comportement imprĂ©visible de ce pâtit gars et un lieu de soin devenu source dâangoisse et lieu dâĂ©parpillement physique. Ses enchevĂȘtrements entrainent chez lui un effondrement psychique incontrĂŽlable.
Quel Ă©vĂšnement influe le plus dans cette dĂ©gradation ? Lequel en est rĂ©ellement la cause ? Lequel en est le dĂ©clencheur ? Lâheure n’est plus aux questionnements.
De mise en danger en autodestruction, il a besoin d’un lieu plus contenant qui fasse rupture avec son quotidien, qui saura lâapaiser et lui permettre de se remobiliser.
Il part pour plusieurs semaines dans « la maison des fous », comme lâappelle son petit frĂšre qui, du haut de ses cinq ans, exprime en ces mots ce qu’il peut en comprendre.
Quelques semaines aux milles bouleversements tous plus intenses les uns que les autres qui viendront marquer en plein cĆur ce processus de soin et dâĂ©loignement.
Quelques permissions sont accordĂ©es, pour continuer le lien avec ce pâtit gars qui inquiĂšte tant petits et grands.
Premier retour, il va bien.
Que de changements en si peu de temps. Il semble apaisé, serein, en phase avec son environnement.
DeuxiĂšme retour, il va mal.
Sa violence verbale et physique nâaura jamais Ă©tĂ© aussi forte que sur ce temps. Ses mots le disent, ses gestes parlent, son corps exprime.
Fin de sĂ©jour, il revient enfin chez nous. Il Ă©tait attendu notre pâtit gars.
Un accueil en fanfare rempli de joie inonde le foyer.
Il va bien.
Le mĂ©decin rĂ©sume en quelques mot la problĂ©matique majeure qui entrave le bien ĂȘtre de petit homme. Il parle dâabandon contre lequel il lutte au quotidien, en ne faisant dĂ©sormais tourner son univers quâautour dâune seule personne.
C’est Ă deux maintenant que nous avançons, lui et moi, le temps qu’il puisse Ă nouveau accepter de s’ouvrir au monde, aux autres.
Marquer en pointiller un quotidien en mouvement, en maniant avec tact la distance nĂ©cessaire Ă « ce deux » qui marche maintenant main dans la main jusquâĂ ce qu’il puisse en lĂącher ne serait-ce quâun doigt⊠Telle est aujourdâhui la devise de ce chemin oĂč lâunivers de lâun se raccroche Ă la main de lâautre.