N° 800 | Le 8 juin 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La modernisation s’est accompagnée d’un mouvement jubilatoire de libération des individus. Mais elle a aussi été marquée par une fragilisation et une précarisation croissantes : bien que les sociétés actuelles soient plus prospères que toutes celles qui ont existé, jamais le sentiment d’échec relatif et d’insatisfaction n’a été aussi fort. La perte d’adhésion à tout projet collectif s’est traduite par l’insécurité et l’effondrement de la confiance dans les valeurs fondatrices. La détraditionnalisation et la désinstitutionnalisation ont annulé les mécanismes intégrateurs sans qu’aucun processus d’insertion ne vienne les remplacer. À la confiance dans le progrès et dans l’avenir a succédé un doute systématique qui s’insinue face aux solutions collectives et qui renforce encore l’individualisme et le repli sur soi.
Le travail social se trouve au cœur de ces problématiques. Les fondements de son action reposent sur deux principes complémentaires : la justice et la solidarité. Pourtant, il est condamné à ne jamais pouvoir résoudre totalement les difficultés des populations auprès desquelles il intervient. Ce, du fait de la contradiction majeure de toute société démocratique entre liberté et égalité. Si on laisse la liberté se déployer sans limites, le traitement équilibré entre les citoyens sera de plus en plus compromis. Si on favorise au contraire l’égalité, c’est la possibilité de faire et d’agir totalement à sa guise qui sera menacée. C’est tout l’art du travail social que de s’appuyer sur les contraintes normalisatrices pour accompagner les processus d’insertion, tout en s’en affranchissant pour préserver un espace social permettant au sujet de s’exprimer.
Les auteurs déclinent cette réalité en la confrontant à différents thèmes : l’adolescent suicidaire, les mutations de la société postindustrielle, le renouvellement de la question du handicap… et démontrent comment les individus libérés de la tradition « sont devenus dépendants d’institutions sociales, scolaires, de conseils médicaux et psychologiques qui sont autant de modes de contrôle des comportements » (p.31).
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