N° 705 | Le 15 avril 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il est parfois bien difficile, quand on aborde la question de la famille d’échapper aux banalités et aux lieux communs. L’ouvrage de Laurent Ott fourmille d’éléments pertinents et décapants qui renouvellent le genre. S’inscrivant délibérément dans une approche qui ne se veut ni contemptrice, ni parricide (« la famille n’est ni la pire, ni la meilleure des choses ; surtout, elle n’est pas l’horizon obligatoire et unique des hommes et des enfants » p.22), l’auteur aborde son thème avec d’autant plus de confort.
On ne pourra que suivre son ironie féroce quand il remarque que la difficulté rencontrée par un enfant est souvent reliée à la vie sexuelle de ses parents, à leur travail ou à leur manque de travail, à leur présence ou à leur manque de mobilisation… toutes choses qui exigent d’eux qu’ils affichent une parfaite transparence. Il est bien plus rare qu’une relation de cause à effet soit établie avec les facteurs d’incohérence qui caractérisent trop souvent les institutions : manque de concertation, changement perpétuel d’orientation ou immobilisme, instabilité du personnel, etc.
On sera aussi intéressé par l’analyse portée sur les effets pervers de la stimulation de la responsabilité parentale. Cet encouragement aboutit parfois à un enfermement de la cellule familiale sur elle-même. Cela débouche, par exemple, sur le refus de solliciter tout relais extérieur ou de poursuivre une vie sociale, voire de couple, qui se trouve alors sacrifiée à la seule fonction parentale… Que ne ferait-on pas pour être perçu comme bon parent. Car, si la parentalité est universelle, elle ne bénéficie d’aucune solidarité : chacun n’a de cesse d’être identifié comme compétent dans un domaine où l’on prétend les aptitudes si irrégulièrement réparties.
Trop souvent bousculés entre des horaires de travail et de vie décalés, des temps de transport envahissant et des contraintes concurrentes, les parents n’ont pas vraiment besoin qu’on les juge à partir d’images idéalisées ou de représentations mythiques. Laurent Ott en appelle à ne pas se tromper de cible : le soutien à la parentalité qui est devenu la « tarte à la crème » de l’action sociale et éducative, ces dernières années, n’est pas un objectif, mais un moyen.
Ce que l’on doit chercher à faire, ce n’est pas d’aider les parents, mais, c’est surtout et avant tout, de renforcer l’action éducative auprès de l’enfant. Et d’expliciter le paradoxe qui veut que la première condition pour que les professionnels entrent dans un contact clair et réussi avec les familles est de faire la preuve de la possibilité de travailler sans elles. C’est la possibilité laissée à l’enfant de multiplier les adultes à qui il s’adresse, c’est la voie de la coéducation qui renforce la cohérence des acteurs qui l’entourent, c’est le respect qui doit s’imposer face à des parents à qui on laisse le temps de s’impliquer, sans les placer dans une injonction à faire au risque d’être mal jugés.
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