N° 792 | Le 6 avril 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Pour travailler au sein des quartiers en difficulté, la seule bonne volonté ne suffit pas. Toutes les formes d’intervention peuvent être menées conjointement non seulement en complémentarité mais aussi en synergie. Mais s’il en est une qui semble pour l’auteure particulièrement adaptée à ce type de situation, c’est bien celle du travail collectif qui regroupe le travail avec les groupes (petites unités) et le travail communautaire (sur l’ensemble d’un quartier, voire d’une ville).
La culture anglo-saxonne a popularisé le concept d’empowerment qui implique une réappropriation d’une forme de pouvoir par les usagers : les habitants sont considérés comme experts de leur propre vie et sont rendus actifs et responsables des actions engagées. Dans notre pays, c’est la notion de développement du territoire qui est utilisée et ce, malgré l’usure liée à son application à toutes les sauces. Elle recouvre la maîtrise d’un changement privilégiant les activités préventives et les pratiques transversales et incluant une large requalification des habitants. Mais la faible initiative citoyenne, supplantée dans notre pays par une action sociale qu’on pense venir en priorité du pouvoir d’État n’a pas permis à cette forme de travail de prendre toute l’ampleur qu’elle mériterait.
L’auteure, forte de son expérience tant aux USA que dans une action de promotion de la santé dans le quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie, nous présente les conditions minimales de mise en œuvre de projets locaux. Premier facteur essentiel, l’association des habitants. Cette dimension n’est toutefois pas angélique car il faut tenir compte des divisions et rivalités de certains qui peuvent déployer toutes sortes de stratégies pour obtenir des avantages particuliers au détriment de l’intérêt général. Second facteur important : l’adoption d’une méthodologie de projet incontournable pour structurer l’action. Mais là aussi, la démarche doit être suffisamment souple et réussir à s’ajuster et s’adapter, au risque sinon de déshumaniser les démarches, d’enfermer les esprits et d’étouffer la créativité. Vient ensuite le travail transversal entre intervenants sociaux.
Là encore, des obstacles se dressent inévitablement : les partenaires peuvent se révéler d’excellents collaborateurs, mais aussi de féroces concurrents, au gré des conflits de légitimité et de pouvoir qui ne manquent pas d’émerger dans le feu de l’action. Vient encore le choix de l’action collective à privilégier : celle qui est susceptible d’agir sur les causes des difficultés, de générer de réels effets multiplicateurs et de contribuer à transformer la vie d’un quartier. Ultime aspect évoqué ici, la violence à laquelle tout intervenant peut être confronté. Y répondre, c’est non seulement veiller à ses propres réactions, mais aussi écouter et comprendre celle des autres. Une approche qui peut se montrer au final féconde pour autant que la formation à l’intervention collective cesse d’être, comme c’est le cas aujourd’hui, largement déficitaire.
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Critiques de livres
Sous la dir. de Véronique Le Goaziou & Laurent Mucchielli