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À mon réveil en ce jeudi 29 juin 2022, la première chose que je fais est d’ouvrir l’application de ma banque sur mon téléphone afin de vérifier que mon salaire a bien été versé. Alors oui, cela fait quand même 4 jours que je fais cette manipulation à plusieurs reprises dans la journée parce que je commence à être sur les dents face au retard de paiement de mon employeur.

Parce que soyons clairs, je n’ai jamais autant eu le sentiment de me rapprocher de la précarité des personnes que nous accompagnons que ces dernières semaines. Mes fins de mois sont de plus en plus galères, je repousse sans cesse des achats ou des investissements qui sont d’utilité primaire.
Je devrais sans doute arrêter de fumer, puisqu’il s’agit d’un gouffre financier, mais en cette période trouble, je préfère être honnête : je fume comme un pompier… Hey ! Vous le voyez le rapprochement que nous pouvons faire entre l’augmentation des consommations de toxiques ou des addictions et la pluralité de crises – sanitaire, économique, guerre – que nous vivons depuis plus de deux ans ? Je deviens donc comme tout le monde, je me précarise financièrement et pour calmer mes angoisses j’augmente ma consommation de nicotine…

Bref, pour en revenir au sujet de départ, au saut du lit je découvre que j’ai bel et bien été payée, mais – parce qu’il y a toujours un mais –, mon salaire ne comprend pas le complément de rémunération (le fameux Segur du social vous savez !) promis en février dernier. À cet instant, une colère sourde s’empare de moi. J’imagine engrainer mes collègues pour une grève et une fermeture de notre service sur plusieurs jours tellement je suis à bout.

Notre employeur ne nous informe de ce retard de paiement que quelques heures plus tard : il est prévu sur le salaire du mois de juillet… Pour autant, j’ai un goût amer dans la bouche. Je suis fatiguée, fatiguée de lutter sur plusieurs plans de ma vie, fatiguée de vivre dans l’insécurité financière, fatiguée de ses nouveaux espoirs déçus, fatiguée d’assister à la précarisation de nos métiers, fatiguée… Blasée, je me dis que je vais vivre un mois de plus avec la pression d’éviter les dépenses inutiles, de me frustrer et de compenser cette frustration par un grand nombre de cigarettes.

Alors comment continuer à accueillir, échanger et accompagner la souffrance de l’autre quand nous-mêmes nous retrouvons dans la douleur ? L’abnégation a ses limites, la mienne touche à ses failles…

En ce fameux jeudi, un seul sentiment surplombe les autres, celui de m’être faite « tamponnée, double tamponnée » (1) car c’est « le code taupe » (1)