L’ActualitĂ© de Lien Social RSS


📝 Tribulations d’une assistante sociale de rue - VulgaritĂ©s de dĂ©part

Ton dĂ©part, bien qu’annoncĂ©, se rapproche inexorablement. Il me pousse Ă  la rĂ©flexion et oblige cette dĂ©claration.
VoilĂ  plus de trois ans que nous nous sommes rencontrĂ©s. Évidemment, ici, nous ne parlerons pas de coup de foudre professionnel puisqu’il a fallu nous apprivoiser et nous dompter. Le temps, le quotidien, le partage d’un bureau exigu – qui a isolĂ© plus d’une confidence –, notre travail acharnĂ© et nos joutes verbales n’ont Ă©tĂ© que les prĂ©mices Ă  cette relation qui, aujourd’hui, m’est inestimable.
A l’aube d’un renouveau pour toi, des flashs me reviennent avec force. Je me rappelle quand nous Ă©vitions, l’un comme l’autre, le jetĂ© d’un paperboard ou d’une chaise ; quand je te suis dans tes nĂ©vroses pour mieux te les adoucir ; quand tu coupes les miennes pour mon bien ; quand nous nous protĂ©geons mutuellement de trottinettes folles dĂ©valant – ou de crottes de chien sur – la chaussĂ©e ; quand d’un regard nous nous comprenons et envisageons ainsi notre prochain mouvement, quand tes doigts tapent sur le clavier le mot qui n’est pas encore sorti de ma bouche, quand tu m’apporte mon cafĂ© prĂ©fĂ©rĂ© les matins d’avant rĂ©union pour amoindrir mes heurts, quand tu supportes que je parle toute seule Ă  cĂŽtĂ© de toi, quand tu m’observes stoĂŻquement faire un mĂ©nage intempestif de notre bureau pour mieux rĂ©organiser mes pensĂ©es ; quand tu sais avant moi qu’une pause m’est nĂ©cessaire et quand je remarque bien avant toi que tu te perds

Au-delĂ  de ces Ă©pisodes bien particuliers, il y a aussi, en filigrane, toutes ces chansons dĂ©suĂštes que tu chantonnes jusque dans les toilettes et qui nous restent affreusement en tĂȘte une journĂ©e durant. Puis, la rĂ©daction de ta thĂšse, de tes articles et de ces fichus rapports d’activitĂ© – qui nous ont fait perdre plusieurs heures de sommeil – m’ont valu le surnom de « vulgaire » puisque je venais vulgariser tes propos pour les rendre comprĂ©hensibles au commun des mortels quand toi, par nos Ă©changes, rĂ©haussait mes capacitĂ©s de rĂ©flexions et d’écriture.
Et je pense Ă  notre petit bureau, qui accueille tes entretiens comme les miens, mais aussi et surtout, notre langue de belle-mĂšre – une plante mi-vivante, mi-zombie – ainsi que tes passions freudiennes, deleuziennes et lacaniennes. Il me semblera bien vide, ce petit bureau, quand tous tes ouvrages auront disparu et que les miens se battront en duel sur les Ă©tagĂšres devenues trop nombreuses pour les exposer. Enfin, je crois que les fonds d’écran de tĂȘtes de chĂšvres ou de lamas – que tu compares bien souvent aux membres de l’équipe – referont leur apparition sur notre ordinateur aprĂšs toi

MalgrĂ© toutes les vulgaritĂ©s qui fleurissent dans mon cerveau Ă  la pensĂ©e de ton dĂ©part, je ne peux que te souhaiter : bon vol petit oiseau et grand Docteur de mon cƓur !
Ta vulgaire.