N° 1172 | Le 29 octobre 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’accompagnement des usagers a changé de paradigme depuis quelques décennies, plaçant beaucoup d’équipes dans un désarroi allant parfois jusqu’à confiner à l’impuissance : tel est le constat dressé par les contributeurs de ce numéro, dont l’un n’hésite d’ailleurs pas à avancer le pourcentage de 70% des établissements concernés. Reprenons la déclinaison annoncée dans le titre : observer, comprendre, agir. D’abord, observer. Le durcissement d’une partie du public accueilli se constate au quotidien. Les oppositions récurrentes, les hostilités ouvertement affichées, les revendications systématiques sont devenues monnaie courante. Le rappel à la règle reste souvent inopérant.
Quant à la loi, elle est régulièrement bafouée. Absence de remords et déni des actes posés : l’élaboration mentale est remplacée par l’agir. Ce n’est pas seulement dans les structures d’accueil que l’on constate de telles dérives. Il en va tout autant dans les lieux de résidence populaire où se multiplient les troubles du voisinage, les processus de dégradation et de déchéance des logements, la désocialisation ou la réduction du lien social, la problématique alcoolique… Beaucoup de ces comportements rencontrent l’incompréhension de la part des professionnels. Justement, comment les comprendre ? Pour ce qui est des violences abandonniques qui explosent souvent à la suite d’une frustration parfois minime, elles peuvent s’expliquer par cette souffrance narcissique enracinée dans les carences d’attachement précoce. L’expulsion extérieure d’affects destructeurs est à relier avec les défauts de la capacité à attendre et à l’impossibilité de symboliser son vécu.
Pour les patients souffrant de psychose, l’angoisse de perte de l’unité du corps et de la vie psychique transforme brusquement l’autre jusque là perçu comme allié, en un ennemi menaçant. Face aux passages à l’acte, il est fréquent que les équipes cherchent à consacrer plus de temps aux plus fragiles (au risque que cela se fasse au détriment des autres), à les réorienter (mais pour aller où ?) ou de les faire hospitaliser en psychiatrie (mais, tout recommence à leur retour). Dès lors, comment réagir ? Des pistes existent : ce sont ces protocoles de mise à l’écart et d’isolement ou au contraire de surcontenance permettant de moduler la proximité relationnelle, ce travail sur le contexte qui provoque le passage à l’acte, cet apprentissage de comportements alternatifs…
Encore faut-il que la créativité, l’initiative et l’innovation ne soient pas réduites à néant par un carcan venant discréditer le pouvoir horizontal de l’équipe, au nom du travail prescrit et des référentiels, de la compression des effectifs, de la diminution des moyens, de la démarche qualité et de la gouvernance managériale.
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