N° 871 | Le 7 février 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Tuez les tous… et vos enfants avec !

Jean-Claude Waffiaz


éd. Jeunesse et droit, 2007 (525 p. ; 25 €)

Thème : Histoire

Le CFDJ de Vitry-sur- Seine (Centre familial de jeunes) garde une dimension mythique. Vitrine de l’éducation surveillée pendant trente ans, lieu d’expérimentations révolutionnaires pour l’époque, contrepoint face à la dérive répressive tant passée que contemporaine, son histoire, les circonstances de sa naissance et sa disparition font l’objet d’un ouvrage copieux et passionnant. Son auteur, lui-même ancien résident, a renoncé à rédiger le récit de cette aventure, préférant donner la parole aux acteurs qui l’ont vécue, tant du côté des jeunes accueillis, que des adultes qui l’ont fait vivre. Lorsque le CFDJ ouvre ses portes le 1er juillet 1950, les pratiques des internats éducatifs ne sont guère reluisants : d’immenses dortoirs où sont mêlées toutes sortes d’enfants (violeurs, délinquants déjà expérimentés, voleurs de pommes, etc.) dans une promiscuité rendant impossible toute intimité. Sans oublier la violence omniprésente notamment celle des adultes qui font régner une discipline de fer empreinte de brutalité, quand ce n’est pas de sadisme.

C’est vrai que le CFDJ détonne avec ses principes basés sur la tendresse, la tolérance et l’amour de l’autre. Ce dont il s’agit, c’est de conquérir l’adolescent qui arrive, d’éteindre sa méfiance, de lui faire désirer son admission. La philosophie qui inspire le lieu s’appuie sur la participation librement consentie : « La contrainte, avec ses résultats superficiels, ne peut conduire qu’au dressage qui prive l’individu de toute autonomie future » (p.39). Pour éviter les fugues, on laisse les portes grandes ouvertes tout en donnant envie au jeune de rester. Une multitude d’activités sont proposées : ateliers bois, photo, électronique, imprimerie offset, photogravure, cinéma, vidéo, montages audiovisuels… Le CFDJ fait appel à des ressorts pédagogiques innovants : conseil de maison, conseil des sages, lettre d’accord du jeune préalable à son admission, béquillage (parrainage d’un nouveau par un ancien devenu autonome), principe de l’Attitude Authentiquement Affective (« je ne cherche pas être aimé des jeunes qui me sont confiés, mais je cherche à les aimer », affirmait son directeur).

Le centre fait aussi fonctionner des dispositifs thérapeutiques avant-gardistes : le sociogramme inspiré de Moreno, le psychodrame, des pratiques de relaxation, le rêve éveillé dirigé… De fortes personnalités vont faire vivre cette communauté éducative : Joe Finder, son directeur, qui marquera la structure de son rayonnement et son complice, Stanislas Tomkiewicz, pédopsychiatre qui la soutiendra jusqu’à sa fermeture, en 1983. Car, malgré les excellents résultats (72 % des jeunes s’en portent bien contre 13 % dont le destin s’est avéré médiocre ou mauvais), le foyer s’enfonce au début des années 1980 dans la crise : les techniques élaborées n’ont plus de prise face à l’émergence de la drogue et des nouvelles formes de délinquance. Restent des principes de fonctionnement qui pour être marqués par le contexte historique n’en sont pas moins d’une actualité brûlante.


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