N° 652 | Le 6 février 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
J.D. Nasio, célèbre psychanalyste, nous livre dans cet ouvrage un certain nombre de réflexions sur sa pratique professionnelle mais au-delà de son activité de thérapeute, il nous fait également part de quelques-unes de ses convictions personnelles de simple mortel parmi les mortels. Le livre dépasse donc le cadre traditionnel d’une transmission didactique d’un savoir ou d’une expérience pour s’approcher, par moments, du ton de la confidence ce qui ne nuit en rien à l’agrément de lecture, bien au contraire.
Sur le plan technique professionnelle, l’auteur considère qu’une psychanalyse « réussie » passe nécessairement par l’expérimentation, au niveau du thérapeute, de la souffrance de son patient. Il s’agit en réalité de ressentir les maux actuels de l’analysant par empathie pour tenter de remonter jusqu’à l’ancienne douleur de son traumatisme infantile. Le but est de parvenir à ranimer ces événements douloureux pour que le patient les revive pleinement et puisse enfin s’en libérer. Une analyse efficace doit ainsi conduire un individu souffrant à changer la vision qu’il a de lui-même. « Le patient, délivré de ses conflits nocifs, doit se réconcilier avec lui-même, se retrouver en lui-même à partir de ce qu’il a et de ce qu’il est », nous précise J.D. Nasio.
Il faut, pour réaliser cette réconciliation avec soi-même, répondre à plusieurs conditions. La première, c’est d’être effectivement dans un questionnement sur son propre mal-être. Mais, bien évidemment, ce retour sur soi ne suffit pas pour espérer une amélioration de son état. Il est nécessaire en outre que celui qui consulte ait foi en son thérapeute, c’est-à-dire lui accorde le pouvoir de guérir. Cet espoir est ainsi une composante tout à fait fondamentale d’une analyse et la cure ne débute véritablement que par cette promesse — en réalité non formulée — de guérison.
L’ouvrage est ainsi riche de bien d’autres observations sur la pratique psychanalytique mais son intérêt ne s’arrête pas là. Le lecteur appréciera les développements sur l’amitié, l’amour, la haine, l’homosexualité, autant de thèmes abordés par l’auteur tout à la fois avec franchise et délicatesse. Parfois, le commentaire prend l’allure d’une petite leçon de vie : « Toute crise de croissance comporte trois mouvements simultanés : renoncer à l’état antérieur, conquérir l’état à venir et engranger le meilleur du passé ». Et l’on finira, en fin d’ouvrage, par adhérer tout naturellement et sans réserve à la devise de l’auteur : « Faire avec passion, et en faisant, se faire ! » ? Rien à ajouter, accord total.
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