N° 1328 | Le 29 novembre 2022 | Critiques de livres (accès libre)
L’apocalypse source d’égalité ?
Depuis que la société humaine a troqué, dans sa quête de nourriture, le prélèvement par la chasse et la cueillette par la domestication des plantes et des animaux, les tensions qu’ont engendrées les inégalités sont devenues une constante fondamentale de l’humanité. Pendant des milliers d’années, l’histoire a été rythmée par de longues périodes où elles se sont accrues, entrecoupées d’épisodes d’intenses compressions. Mais, le terrible constat de l’auteur est sans appel : aucune action non-violente n’a jamais réussi à les réduire. Ni les crises économiques, ni la croissance, ni la démocratie, ni l’évolution démographique, ni les réformes agraires, ni les famines n’y sont jamais parvenues. Seuls quatre processus ont permis l’égalisation des richesses, quoiqu’éphémères, la prédation, l’appropriation, l’assujettissement reprenant très vite le dessus. Le premier mécanisme, c’est la guerre qui, en ruinant les élites, arase les différences de patrimoine. Le second, ce sont ces épidémies ravageuses qui, en réduisant drastiquement la main d’œuvre, augmentent les salaires. Le troisième, c’est l’effondrement des civilisations qui, en favorisant la décomposition de l’ordre ancien et une restructuration sociétale radicale, rebat les cartes de la polarisation des richesses. Enfin, les révolutions qui, en imposant par la violence extrême le nivellement, anéantissent les différences de ressources. Mais à chaque fois, ce que Walter Scheildel surnomme les « quatre cavaliers du nivellement » ont laissé dans leur sillage des millions de morts. Quelle alternative aujourd’hui : guerre thermonucléaire anéantissant tout, révolution transformatrice archaïque, effondrement civilisationnel climatique ou pandémie infiniment plus meurtrière que la Covid ? Toute réforme pacifique pourrait bien ne pas être à la hauteur.
Jacques Trémintin
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