N° 1088 | Le 10 janvier 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le vieillissement des personnes avec handicap est devenu, depuis quelques années, une véritable question sociale. Les progrès de la médecine, l’amélioration des dépistages et l’évolution des modes d’accompagnement ont permis de prolonger considérablement leur espérance de vie. À l’image de ces personnes atteintes de polyhandicap, ne survivant guère au-delà de cinq ans dans les années trente et qui dépassent parfois aujourd’hui les cinquante ans. Si notre société a fini par reconnaître les droits des personnes âgées d’un côté et ceux des personnes avec handicap de l’autre, il n’en va pas de même pour les personnes doublement exclues, du fait à la fois de leur handicap et de leur vieillissement.
Dopée par l’idéologie de la prouesse et de la performance, obnubilée par la jeunesse et la beauté, obsédée par le bonheur ici et maintenant, notre recherche d’excellence néglige la déficience, occulte le vieillissement et dénie la mort. Pendant longtemps, l’asile psychiatrique fut investi d’une mission d’asile pour les inadaptés et l’hospice du devoir de recevoir les vieillards (dont 45 % décédaient dans les six mois suivant leur admission). Aujourd’hui, c’est aux maisons de retraite qu’il revient d’accueillir les personnes vieillissantes avec handicap. Pour la première fois de leur existence, celles-ci se retrouvent dans un milieu qui n’est pas organisé autour de la catégorie de la déficience, mais dans une logique de droit commun transversal à leur classe d’âge. Se posent, d’abord, des besoins en places d’accueil adaptées, évalués par l’Unapei, (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) en 2009, à 15 500, et autant dans les cinq années suivantes.
Mais apparaît ensuite la nécessité de formation des personnels devant faire face à ces pensionnaires qui, malgré leurs soixante ans (contre une moyenne d’âge de quatre-vingt-cinq ans), peuvent manifester des signes de vieillissement précoce, du fait de l’aggravation d’un certain nombre de désordres liés au handicap. Se rajoutent le rapport à la temporalité et la capacité à penser la finitude qui ne sont pas toujours vraiment construits, ni élaborés. Le temps est de plus en plus étiré et étalé, là où celui des soignants peut être écourté et tendu, par l’exigence d’efficacité et de rentabilité. Sans compter l’exigence de stimulation encore plus nécessaire que pour n’importe quelle personne âgée, sans laquelle le processus de vieillissement peut se trouver accéléré.
N’ayant rien de naturel, la vieillesse est culturellement construite, certaines civilisations l’exaltant, quand d’autres l’identifient à une déchéance. Le défi lancé par les personnes âgées vieillissantes est bien de nous faire intégrer la faiblesse, la vulnérabilité et la souffrance comme consubstantielles à nos existences.
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