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🖋 Autoportrait de travailleur social âą Driss Blal, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, chef de projet au cĆur dâun dispositif mis en place par un collectif dâhabitants originaires du quartier populaire oĂč il a grandi Tarbes (Hautes-PyrĂ©nĂ©es)
« MalgrĂ© tes compĂ©tences, ton diplĂŽme et ton expĂ©rience, "certains" te verront encore comme un "grand-frĂšre" dans une cage d’escalier Ă fumer un "joint" avec les jeunes... »
Quel mot, adjectif, associez-vous spontanément au travail social ?
Sans hésiter je dirais la passion...
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?
Je lâai choisi car il est en lien avec mon parcours de vie (ancien enfant de la DDASS durant une dizaine d’annĂ©es), mais aussi par la conviction qu’il est l’un des rares mĂ©tiers dans lequel il existe encore cette notion en laquelle je crois Ă©normĂ©ment : la transmission et le partage du savoir...
Quelle formation avez-vous suivie ?
J’ai dĂ©crochĂ© mon DiplĂŽme dâĂtat dâĂ©ducateur spĂ©cialisĂ© (DEES) aprĂšs une formation au Centre rĂ©gional de formation aux mĂ©tiers du social ERASME Ă Toulouse. J’y suis rentrĂ© sans le bac. Une fiertĂ© pour moi quand je sais d’oĂč je viens et la preuve qu’avec du cĆur et du sens on peut « enfoncer » n’importe quelle porte...
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Je le vis actuellement.
En effet, accompagnĂ© d’une poignĂ©e d’amis d’enfance, Hicham et Zakaria Iakini, issus du quartier populaire dans lequel j’ai grandi, je viens de crĂ©er un dispositif (association loi 1901) ayant pour but de rĂ©pondre Ă diffĂ©rentes problĂ©matiques rencontrĂ©es par les habitants de ce territoire Ă partir d’Ă©lĂ©ments de constats observĂ©s depuis plus d’une vingtaine d’annĂ©es.
Notre volontĂ© est de dĂ©velopper des actions concrĂštes Ă partir des besoins et compĂ©tences de la population. D’ailleurs, nous travaillons activement Ă la crĂ©ation d’un outil d’Ă©valuation Ă destination de nos concitoyens, ayant pour finalitĂ© d’Ă©valuer sans « langue de bois » les actions proposĂ©es par les acteurs locaux sur le territoire. Car malheureusement, depuis de nombreuses annĂ©es et cela peut s’appliquer Ă l’ensemble du territoire national, beaucoup trop d’acteurs issus de dispositifs de droit commun et dâassociations interviennent au cĆur de ces quartiers Ă travers des actions dĂ©pourvues de sens et nâayant quâun seul objectif : les subventions. Cela doit cesser, par considĂ©ration et respect de nos concitoyens. L’Ă©poque du cake, Coca et Banga servis dans les gymnases est rĂ©volue... Je rassure la « famille » : nous serons nous aussi soumis Ă cet outil d’Ă©valuation (rires).
Le pire ?
Ce n’est pas le pire de mes souvenirs mais celui qui me questionne le plus en matiĂšre « dâĂ©galitĂ© des chances » et de discrimination Ă l’embauche... Il y a quelques mois, jâai rĂ©pondu Ă une candidature Ă©manant d’un dispositif de droit commun afin d’occuper un poste dâĂ©ducateur de rue. Si l’entretien sâest dĂ©roulĂ© dans un contexte bienveillant, j’apprendrai hĂ©las dĂšs le lendemain « l’envers du dĂ©cor »... Effectivement, et au risque de mettre les « pieds dans le plat », je dois dire que jâai reçu lâappel tĂ©lĂ©phonique d’un ami me conseillant de ne pas candidater Ă ce poste en raison de consignes confiĂ©es par une figure iconique du territoire et directrice dâune structure affiliĂ©e Ă la municipalitĂ©. Selon les propos de celle-ci, nous pouvions - je nâĂ©tais pas le seul originaire du territoire Ă postuler -, « oublier » cette candidature. « Ils ne veulent personne originaire du quartier, mĂȘme diplĂŽmĂ©s. Ils en ont marre des grands frĂšres ». Une semaine plus tard, j’apprendrai que malgrĂ© mes « compĂ©tences exceptionnelles et bla bla bla », ma candidature nâĂ©tait pas retenue.
Cette situation aussi cocasse soit-elle, met en lumiĂšre une fois de plus que malgrĂ© tes compĂ©tences, ton diplĂŽme et ton expĂ©rience, « certains » te verront encore comme un « grand-frĂšre » dans une cage d’escalier Ă fumer un « joint » avec les jeunes...
Nous sommes en 2021...
Parfois il vaut mieux en rire...
Quel est votre livre de chevet ?
Je n’ai pas Ă proprement parler de livre de chevet mais j’aime avoir auprĂšs de moi des lectures en lien avec des thĂ©matiques telles que lâinterculturalitĂ©, l’immigration, lâhistoire des quartiers populaires, le panafricanisme, etc.
Sinon au moment oĂč j’Ă©cris ces lignes, j’ai prĂšs de moi un livre qui s’intitule La fracture coloniale. La sociĂ©tĂ© française au prisme de l’hĂ©ritage colonial, de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire (Ăd. La DĂ©couverte, 2005 ). Celui-ci m’aide Ă©normĂ©ment Ă mieux apprĂ©hender certaines « rĂ©sistances » et « mĂ©canismes » de mes futurs « partenaires » (rires).
Retrouvez les précédents autoportraits
🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Ăducateurs et dâun lieu de vie et dâaccueil
🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative
🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes
🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain
🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur
🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)
🖋 Sadek Deghima, chef de service dâun club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e
🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice
🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents
🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social
Vous ĂȘtes tentĂ©s par lâexercice dâautoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? NâhĂ©sitez Ă nous contacter Ă lâadresse suivante : katia.rouff@lien-social.com