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17 décembre 2021

🖋 Autoportrait de travailleur social • Kevin Louineau, éducateur spécialisé en maison d’enfants à caractère social en Loire-Atlantique.

« Au lycée, j’ai pris quelques renseignements et le métier d’éducateur est apparu. J’ai posé un mot sur une façon d’intervenir, une fonction, une vocation même »

Sur cette photo je suis en camp à la montagne avec les jeunes accompagnées. Un vrai moment de partage et de plaisir.

Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?

Disponibilité.

Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?

Ça remonte au Lycée. J’étais toujours à l’écoute de ceux qui avaient besoin de se confier et qui rencontraient des difficultés diverses et variées. C’était assez naturel pour moi, cela ne constituait pas une contrainte, plutôt une habitude. Je donnais de mon temps car j’aurais bien aimé, plus jeune, que des personnes donnent du leur pour m’écouter. Si des choses m’avaient manqué, il ne fallait pas qu’il en aille de même pour d’autres.
J’ai pris quelques renseignements et le métier d’éducateur est apparu ; j’ai posé un mot sur une façon d’intervenir, une fonction, une vocation même. J’étais très attiré par le travail effectué au sein des quartiers sensibles, la prise de contact, le fait de se faire accepter, de comprendre les codes. Je me voyais exercer le métier d’éducateur en prévention.
Plus tard, il y a eu mes premières expériences dans l’animation et ma rencontre avec des enfants aux parcours de vie compliqués vers lesquels je me tournais plus facilement. Tous ces échanges sont venus conforter mon choix.

Quelles formations avez-vous suivies ?

De 2002 à 2005, j’ai suivi une formation de moniteur-éducateur à l’Institut régional du travail social (IRTS) de Poitiers (Vienne). En 2012, j’ai obtenu le diplôme d’éducateur spécialisé grâce à la VAE. J’avais en effet les mêmes fonctions que mes collègues éducateurs spécialisés et je souhaitais être reconnu à cette place. En septembre 2021, je suis entré en Master Intervention et développement social (IDS) car, dans une perspective d’évolution, j’aspire à prendre des fonctions d’encadrement.

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Il y en a beaucoup, fort heureusement. Si je ne devais en mettre qu’un en avant, je parlerais de cette jeune fille accueillie au sein d’un collectif en maison d’enfants à caractère social (Mecs) qui faisait « tout flamber » et nécessitait un accompagnement sur mesure. Lorsque la situation est devenue impossible à gérer en collectif, nous l’avons suivie à partir du domicile de sa tante. Nous avons aménagé sa scolarité, l’avons calmée quand ça devenait trop explosif. Nous avons trouvé sans cesse des leviers pour la faire avancer car elle avait un énorme potentiel.
Ensemble, nous avons engagé une réflexion autour d’un séjour de rupture au Sénégal, l’idée étant de lui trouver un but tout en s’éloignant de l’agitation quotidienne qui l’envahissait. J’étais de toutes les étapes de ce projet, répondant à ses interrogations et la rassurant lorsque cela était nécessaire. Ce fut un long chemin qui nous a conduit jusqu’à Orly le jour de son envol pour Dakar. C’était un grand moment d’émotion pour plusieurs raisons : d’une part, c’était la concrétisation d’un projet initié depuis plusieurs mois et d’autre part, je fus le dernier maillon de la chaîne qui l’accompagnait jusqu’à cet ailleurs, mais cet ailleurs, elle devait le vivre sans moi.
Le séjour de rupture fut un succès et j’ai revu quelques années plus tard cette jeune femme avec grand plaisir.

Le pire ?

Celui qui me vient en tête est assez récent. Il s’agit d’une jeune femme accompagnée dont je n’étais pas le référent mais pour laquelle j’ai assumé ce rôle durant un été, en l’absence de mes collègues. Elle avait accouché d’une petite fille mais n’était pas capable de s’en occuper seule. Notre service n’était pas adapté pour les accueillir toutes les deux : c’est pourquoi nous avions effectué les démarches pour lui trouver un lieu avec tout l’accompagnement utile (travailleurs sociaux et environnement adapté). Son comportement s’est dégradé très vite dans la période post-accouchement alors qu’elle était encore hospitalisée : toute l’attention s’était portée sur l’enfant et insuffisamment sur elle à mon sens. La suite a été plutôt dramatique mais je ne m’étendrai pas sur cela.

Quel est votre livre de chevet ?

Je lis beaucoup mais peu d’ouvrages consacrés au travail social car j’ai besoin de m’évader sur mon temps personnel. Pour autant, le livre de Lyes Louffok Dans l’enfer des foyers (Éd. Flammarion, 2014) m’a marqué. Sa description dure de certains éducateurs qu’il a côtoyés est tellement l’opposé de la représentation que je me fais de cette fonction qu’elle m’a causé un choc. Cette mise en lumière des dérives de certains travailleurs sociaux est nécessaire et si elle peut servir à assainir des établissements, j’invite d’autres acteurs à libérer leur parole.

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., éducatrice spécialisée en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gérant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, référente de parcours du Programme de réussite éducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pénitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, médiateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et président de la Régie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, éducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bébés à la consigne depuis sa création en 2009.

🖋 Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

🖋 Léa Turchi, assistante de service social, coordinatrice à la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prévention spécialisée

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-éducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, éducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillère technique de service social

🖋 Driss Blal, éducateur spécialisé, chef de projet au cœur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire où il a grandi Tarbes (Hautes-Pyrénées)

🖋 Laure, assistante de service social en service spécialisé « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spécial, agitateur spécialisé, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service éducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolés étrangers

🖋 Carlos Lopez, éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio Argüelles Balletbó, éducateur dans un centre résidentiel d’action éducative (1) des Filles de la Charité, Fondation sociale à Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 Frédéric Maignan, formateur indépendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, éducatrice spécialisée indépendante

🖋 Vivien Laplane, éducateur spécialisé, auteur, conférencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillé oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrétaire médico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) en région PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, éducateur spécialisé et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, éducatrice en maison d’enfants à caractère social dans le var

🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indépendant

🖋 Stéphanie Liatard, travailleuse sociale au Québec, Canada

🖋 Jérôme Beaury, directeur-adjoint auprès de la Direction de l’enfance et de la famille du Calvados, en charge de l’Aide sociale à l’enfance et auteur

🖋 Romane Glotain, éducatrice spécialisée et présidente de l’association "Le Jardin des Maux’passants en Loire-Altantique. Elle promeut les jardins thérapeutiques.

🖋 Maximilien Bachelart, Docteur en psychologie et psychothérapeute, superviseur au sein d’établissements de protection de l’enfance.

🖋 Audrenne Henke, directrice d’établissement.

Vous êtes tentés par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expérience ? N’hésitez à nous contacter à l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com