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• Portrait : À la rencontre d’anciens enfants placés - Gabrielle
Lucile Barbery, ancienne éducatrice spécialisée de l’aide sociale à l’enfance devenue photographe, est allée à la rencontre des premiers concernés par la protection de l’enfance : les enfants placés devenus adultes.
« Ils ont des choses à nous dire : Qu’est-ce qui les a tenus ? A quoi se sont-ils accrochés ? Quels ont été les obstacles rencontrés ? La violence n’est jamais bien loin, du petit acte d’apparence anodine aux faits les plus intolérables. Ils se sont majoritairement tus. Aujourd’hui, Leurs voix s’élèvent, se rejoignent. Tout en nuances et finesse. Aujourd’hui ils nous font don de leur savoir, de leur expérience, d’une part de leur vie », explique-t-elle.
Elle a rencontré une vingtaine de personnes*, les a photographiées dans un lieu de leur choix, « un lieu signifiant pour elles ». Elle a écouté leur récit de l’adulte qu’elles étaient devenues, leur regard sur la protection de l’enfance, leur témoignage a été écrit avec les personnes et elles lui ont confié une photo d’elles prise durant le placement. En attendant de pouvoir organiser une exposition, Lucile Barbery nous a confié six portraits avec leurs témoignages, que nous publierons au fil des prochaines semaines.
* Les prénoms ont été modifiés
GABRIELLE
" J’ai été placée 15 ans dans une famille d’accueil, ces gens là, on les appelait papa, maman. j’ai été maltraitée. [en partant, ndlr] on a récupéré 15 ans de notre vie dans un sac poubelle. D’un seul coup j’avais plus rien…mes amis, j’avais plus de photos… Tout ce que m’a pas donné ma famille d’accueil, c’est le foyer qui me l’a donné. Mais quand tu arrives et que tu vois qu’il y a des armes, tu te dis que tu vas devoir faire ta gache. Je suis absolument pas violente mais en foyer t’es obligé de te transformer, de t’adapter à toutes les situations.. Soit t’es en bas, soit t’es en haut. J’ai réussi à être en haut avec mes valeurs.
Les personnes m’ont aidée, ce qui m’a pas aidé c’est le système. Je me suis retrouvée à 21 ans j’avais rien. J’avais besoin d’avoir un boulot tout de suite parce que j’aidais mon petit frère et j’accompagnais la fin de vie de mes grands-parents.
C’est pas normal qu’on n’ait pas le droit de poursuivre ses études. La sortie [du système de la protection de l’enfance ndlr], elle devrait être à l’âge où on est prêt. On ne nous donnait pas la possibilité de nous en sortir.
Le chant c’est ce qui m’a sauvé. J’écris des textes pour mes chansons. C’est ma psychothérapie. Pour moi, on n’appuie pas assez sur les passions des jeunes.
Aujourd’hui je suis une maman qui essaie de transmettre des valeurs à ses enfants, qui essaie de donner le sourire à ceux que je croise. Le frigo est plein, on a une table de la même couleur que nos chaises…Déjà c’est exceptionnel, pour moi la réussite c’est le bien-être".
- Gabrielle, 4 ans avec sa grand-mère. (c) DR