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• Portrait : À la rencontre d’anciens enfants placés - Noé

Lucile Barbery, ancienne éducatrice spécialisée de l’aide sociale à l’enfance devenue photographe, est allée à la rencontre des premiers concernés par la protection de l’enfance : les enfants placés devenus adultes.

« Ils ont des choses à nous dire : Qu’est-ce qui les a tenus ? A quoi se sont-ils accrochés ? Quels ont été les obstacles rencontrés ? La violence n’est jamais bien loin, du petit acte d’apparence anodine aux faits les plus intolérables. Ils se sont majoritairement tus. Aujourd’hui, Leurs voix s’élèvent, se rejoignent. Tout en nuances et finesse. Aujourd’hui ils nous font don de leur savoir, de leur expérience, d’une part de leur vie », explique-t-elle.

Elle a rencontré une vingtaine de personnes*, les a photographiées dans un lieu de leur choix, « un lieu signifiant pour elles ». Elle a écouté leur récit de l’adulte qu’elles étaient devenues, leur regard sur la protection de l’enfance, leur témoignage a été écrit avec les personnes et elles lui ont confié une photo d’elles prise durant le placement. En attendant de pouvoir organiser une exposition, Lucile Barbery nous a confié six portraits avec leurs témoignages, vous pouvez déjà retrouver les portraits de Gabrielle, Romain, Hélène et découvrir aujourd’hui celui de Noé.

* Les prénoms ont été modifiés

NOÉ

Noé, 25 ans, à son domicile à Vaulx en Velin (69) (c) Lucile Barbery

"Parler de moi, ce n’est pas moi. Je n’aime pas me vendre. C’était mon problème pour mes concours.
Etre balloté entre famille et foyer… J’étais sage mais j’en voulais à tout le monde. Je ne me suis pas senti à ma place. Je n’étais pas heureux. C’est pas comme en prison où tu te dis : « quand je sortirai, je ferai ça et ça ». Moi je savais que je ne rentrerai pas chez moi. Quand je suis arrivé dans mon second foyer, à Grenoble, ça m’a fait un choc, la ville. Avant j’étais à la montagne, on faisait beaucoup de sport, j’étais bon en ski. C’est très important pour moi, j’y vais pour prendre l’air.

Je pense que je suis tombé dans de bons foyers. Les éducs étaient géniaux. Pour certains ça touche leur vie privée. Il y avait un éduc qui avait une maison de famille. On y allait avec le foyer, c’était super sympa.
Aussi avant il y avait du fric, si j’avais vécu avec mes parents je n’aurais pas fait toutes ces activités. Cela nous permet de nous évader, ça éveille la curiosité. Mais malgré tout ce qu’on fera, on ne se sentira pas chez soi. J’ai été les week-ends chez une famille d’accueil qui avait plein de trucs, c’est là où je me suis senti le moins à l’aise.

Je fais des études d’infirmier. Je voulais faire ça depuis le collège. j’avais envie de me sentir utile, c’est varié aussi. J’aime faire plein de choses, c’est mon moteur dans la vie : faire du sport, des activités. Quand il fait soleil, il y a plein de choses à faire, à découvrir, à apprendre. Mon rêve c’est de faire le tour du monde. La vie est belle, c’est la réalité".

Noé à 11 ans. (c) DR