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• TERRAIN - Entre interface et médiation : l’association « Groupe et découverte »
Le monde de l’animation et celui de la protection de l’enfance ne sont pas toujours en phase. Ces frères, parfois distants, peuvent néanmoins se réconcilier, à moindre frais.
Une maison d’enfants à caractère social (MECS) inscrit une quinzaine de ses adolescents à différents séjours d’été en juillet 2020 auprès de l’association Groupe et Découverte. Précaution a été prise d’éviter de les envoyer tous au même endroit, pour éviter l’effet de groupe. Le départ est programmé pour le dimanche. Le vendredi soir, une communication téléphonique du responsable de l’organisme de vacances informe Groupe et Découverte de l’annulation des séjours, fermeture de bâtiments liés au Covid19. L’association contacte l’Agence régionale de santé et la direction de l’Education Nationale (en charge de l’ex Jeunesse et Sports). Aucun signalement du moindre cluster ne leur étant parvenu de la part de cet organisme de vacances, les autorités de tutelles somment celui-ci d’accueillir ces jeunes, sous peine de suspension de leur agrément de séjours, Groupe et Découverte et la structure sociale se réservant le droit d’engager des poursuites judiciaires pour discrimination. L’organisateur obtempéra. Les séjours des adolescents ne poseront aucun problème. Voilà une affaire rondement menée. Une intervention ferme et résolue a permis de régler le problème. Peu habitués à ce mode opératoire et éloignés du réseau idoine, pas sûr que les éducateurs auraient réagi ainsi.
Proposer une intermédiation
Créée en 2012, cette association s’est donnée pour vocation d’assurer une interface entre deux mondes qui se regardent trop souvent en chiens de faïence : celui de l’animation et celui de la protection de l’enfance. Si « Groupe et découverte » se veut garante et exigeante face aux engagements des organismes de vacances, elle l’est tout autant pour ce qui est de la transparence des informations transmises par les équipes éducatives. Servant d’intermédiaire, elle veut pouvoir à la fois rassurer les éducateurs, mais aussi les organismes et leurs équipes d’animation.
Aux premiers, elle propose de suivre le séjour de chaque enfant et son évaluation individualisée par le bilan de son comportement et de son évolution.
Mais elle veut tout autant apaiser les inquiétudes des seconds, en leur fournissant un descriptif le plus précis possible du profil des enfants qu’ils vont accueillir, tout en assurant une astreinte téléphonique permettant un suivi à distance et une aide à la résolution des éventuels problèmes qui se poseraient.
La qualité de ce travail de soutien et de médiation se mesure à l’aune de l’absence de toute exclusion de vacanciers depuis 2014. En vingt-sept occasions, la question s’est posée. A chaque fois, un rapport d’incident écrit a été demandé. Non pour minimiser les difficultés rencontrées sur place, mais pour les contextualiser et relativiser le degré de dérapage et de passage à l’acte de l’enfant ou du jeune. La mise en mots favorise souvent la prise de recul. Dans quatorze cas, il n’a jamais été transmis. Au final, il n’y a eu aucun rapatriement disciplinaire, les difficultés ayant pu être régulées.
S’il ne s’agit effectivement pas de renvoyer immédiatement un vacancier qui aurait proféré une insulte ou eu une réaction disproportionnée, il n’est pas non plus question que les équipes d’animation découvrent sa problématique, une fois le séjour commencé. D’où l’exigence de l’association d’avoir un descriptif le plus complet possible de la part des éducateurs. Ce qui permet à l’organisateur du séjour de s’engager, en connaissance de cause. De la transparence réciproque nait une relation de confiance qui a pu se tisser depuis bientôt dix ans entre des organisateurs de vacances et plus de quatre-vingts maisons d’enfants à caractère social, lieux de vie et services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Une offre toujours plus enrichie
« Groupe et découverte » a étendu son champ d’action, en proposant des séjours dits de répit et/ou de distanciation à des enfants ou des jeunes pris en charge en protection de l’enfance ayant besoin de sortir ponctuellement de leur institution ou de leur famille d’accueil. Huit de ces séjours d’une semaine auront ainsi été organisés pendant les vacances scolaires de l’année 2020/2021. A raison de trois adultes pour six à huit participants, un vrai travail éducatif peut être réalisé à partir d’objectifs fixés d’emblée : manque de confiance en soi, difficultés de socialisation, problèmes d’hygiène, intolérance à la frustration, fréquentes réactions colériques, rejet de toute autorité etc. Dans un autre contexte que celui qu’ils vivent d’habitude, ces enfants et ces jeunes se révèlent parfois, mettant à profit l’accompagnement d’adultes posant un regard différent sur eux. On retrouve là, les mécanismes mis en œuvre par les séjours de rupture dont la philosophie est très proche.
Puis l’association « Groupe et découverte » a rajouté une nouvelle corde à son arc encore plus originale : les séjours sas. Il s’agit d’un accompagnement d’un enfant ou d’un adolescent en très grande difficulté par un professionnel avec qui s’est liée une vraie relation de confiance. Le séjour d’une quinzaine de jours en gîte permet un travail de fond. A l’image de Rudy qui passant sa journée à regarder des films pornographiques sur son téléphone portable, séjournait autant de fois dans les toilettes. Le séjour « sas » permit d’identifier sa passion pour la pâtisserie. Entouré de sa référente, d’une psychologue et d’un coach, tout un travail d’orientation professionnel lui fut proposé, se concluant par une journée de stage chez un pâtisser, commencée à 5h00 du matin. L’expérience montre qu’il ne s’agit là que d’un maillon d’une longue chaîne de prises en charge successives. Il serait naïf de croire à un effet miracle aboutissant à la résolution finale de sa problématique. Ce n’est qu’une étape dans un long cheminement. Elle illustre néanmoins l’offre de service proposée par cette association.
Ouverte aux suggestions de professionnels de terrain à partir desquelles elle imagine des dispositifs, « Groupe et découverte » à conçu deux innovations originales. D’abord, en collaboration avec l’Education nationale et les associations spécialisées œuvrant dans le champ du décrochage scolaire, une plateforme dénommée Up Academy ouverte au grand public. Ce media, qui sera opérationnel dès le mois de septembre 2021, fera apparaître, en temps réel, les places disponibles dans les dispositifs lyonnais de remédiation scolaire.
La seconde initiative (Jungle Sports) prendra la forme d’une application géolocalisant l’ensemble des clubs de sports d’un territoire. Elle permettra non seulement de disposer de créneaux d’initiation gratuites, mais aussi de s’inscrire en ligne en directement du coût de la licence, les différentes aides financières disponibles. Deux communes de la région lyonnaise ont accepté de se lancer dès à présent dans cette expérimentation.
« Groupe et découverte » a bien conscience de l’appel d’air que peut potentiellement provoquer l’écho médiatique donné à ses activités. Elle serait bien en difficulté pour répondre à un afflux de sollicitations que pourrait lui valoir la réduction, comme « peau de chagrin », des possibilités d’accueil de la protection de l’enfance. Pour autant, son action justifie pleinement d’être saluée et sa promotion n’attend que le soutien des institutions publiques.
Jacques Trémintin
https://www.groupeetdecouverte.fr/