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• TERRAIN - L’ADPS dans les sables mouvants
Les professionnels de l’ADPS de Loire Atlantique (Agence départementale de prévention spécialisée) ne décolèrent pas. Ils continuent à ne pas comprendre la décision de licenciement de Christel Husson, l’une de leur cheffe de service (voir https://www.lien-social.com/BILLET-Chasse-aux-sorcieres-en-Loire-Atlantique). Il se sont réunis le lundi 26 avril à Saint Nazaire, en fin de matinée, puis à Nantes en début d’après-midi pour protester et accompagner Christel Husson jusqu’au Tribunal administratif où se tenait un référé.
Manifestation St Nazaire (Gauche) puis Nantes (droite)
Encore, si cette professionnelle avait montré quelque incompétence, commis des fautes graves dans l’exercice de ses fonctions ou était sortie de son obligation de réserve, l’ADPS aurait respecté la règle du jeu : placer une nouvelle recrue en situation d’essai et ne pas confirmer son embauche, parce qu’elle n’avait pas fait ses preuves. Mais non, là, ce qu’on lui reproche c’est d’avoir affiché ses opinions, bien avant même de penser à postuler à sa fonction. « À l’annonce de ce licenciement, ça a été la stupéfaction. Mais, il ne s’agit pas pour nous de défendre simplement une collègue victime d’une injustice. Cette sanction s’attaque aux principes mêmes de la prévention spécialisée : nous intervenons auprès des jeunes pour leur apprendre à défendre leurs droits et notamment leur liberté de parole. Et au sein de notre propre structure, cette liberté est bafouée. Comment peut-on rester crédibles ? » explique Renée, éducatrice spécialisée au sein de l’ADPS (pour des raisons évidentes, les prénoms ont été modifiés). Louise complète : « quand j’accompagne des familles à l’office d’HLM pour se plaindre des cafards qui ont envahi son logement, va-t-on me licencier parce que cela n’aura pas plu à l’élu qui dirige son conseil d’administration ? » Et Charlotte, une autre éducatrice de continuer : « la directrice à l’origine de ce licenciement part en retraite à la fin avril de cette année. Quelle position va adopter la personne qui la remplacera ? Depuis la réorganisation qui a vu fusionner plusieurs associations sur notre département, nous posions des questions sur son indépendance à l’égard des élus. Nous avons aujourd’hui une réponse. Et elle est plutôt inquiétante ! ».
Margot renchérit : « Jusqu’à présent, ce qui était privilégié dans le recrutement des professionnels, c’était le profil militant. L’engagement va-t-il dorénavant être considéré comme un frein ? Ou bien faudra-t-il montrer qu’on est du bon côté, celui qui plaira aux élus ? ». Pour Frédéric, un professionnel syndicaliste de l’association, « la direction a, en tout cas, réussi un exploit : provoquer un mouvement quasiment unanime de tous les salariés, y compris les cadres, contre elle. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu une telle mobilisation ! Cette solidarité qui s’est créée ne semble pas l’atteindre, ni la faire douter : c’est incroyable ! ». Tous ces questionnements sont d’autant plus vertigineux, que l’ADPS a adopté la posture de la « grande muette », refusant tout dialogue avec ses salarié(e)s. Elle se réservait pour l’audience du Tribunal administratif. L’occasion d’entendre, enfin, son point-de-vue de la bouche de son avocate. Premier argument : les propos offensant pour la police qui sont prêtés Christel Husson sont incompatibles avec ses fonctions auprès des jeunes et des partenaires. Le problème, c’est que la mise en cause conteste de tels discours, rappelant qu’elle a travaillé pendant des années en étroite collaboration avec la police de Seine Saint Denis dans le cadre de la mission de mise à l’abri qu’elle effectuait auprès des mères et des enfants victimes de violence conjugale. Les policiers, elle ne les combattait pas, elle travaillait avec eux ! Mais, les reproches qui lui sont faits ne s’arrêtent pas là : elle serait responsable de la détérioration de l’image de l’ADPS, salie par le battage médiatique provoqué par son licenciement. On hallucine : « je vous vire, parce que vous avez affiché des idées qui n’ont pas plu. Mais surtout, ne le dites à personne : cela risquerait de nous nuire. ». On assiste là à une stupéfiante inversion des rôles comme savent si bien le faire les agresseurs dans les violences intra-familiales : se retourner contre la victime en lui reprochant d’avoir sali la famille, en révélant l’inceste qu’elle y subissait ! Enfin, cerise sur le gâteau : à présent qu’elle est licenciée, comment imaginer qu’elle puisse revenir dans des conditions apaisées et constructives ? Ben voyons, maintenant que la Direction de l’ADPS a tout cassé, ce serait impossible de recoller les morceaux.
Le lecteur de Lien Social pourrait se demander pourquoi lui fournir tous ces détails ? Bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’une brèche est ouverte dans les missions du travail social, son autonomie et son regard critique sur notre société. Dénoncer ces dérives est essentiel pour ne pas les banaliser, ni en faire un acte courant contre lequel on ne peut réagir. Christel Husson le dit avec conviction : « je ne me bats pas que pour moi, mais aussi pour toutes celles et tous ceux qui subissent l’arbitraire et qui n’ont pas la chance de bénéficier, comme moi, d’une large solidarité qui va bien au-delà du travail social. » Et, effectivement, la mouvance syndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU), associative (L.D.H., MRAP, Libre pensée, ATTAC, mouvements de la Paix), politique (PCF, Génération. s, NPA, France Insoumise, EELV, Place Publique), féministes (F’Lutte, Femmes en Lutte
Affable, association féministe fédératrice autonome pour l’égalité, Guerrières de l’Ouest, Ils ne nous feront pas taire, Les Amajaunes, Femmes Solidaires) ont apporté un large soutien à cette cheffe de service.
Christel Husson et les salarié(e)s de l’association ne se sentent plus seul(e)s face à un arbitraire fondé sur une atteinte insupportable à la liberté d’expression. La direction de l’ADPS ne s’attendait certainement pas à un tel déchainement de réactions et de protestations. « Qui sème le vent récolte la tempête » dit, pourtant, le proverbe. Quelle que soit la décision du juge du Tribunal administratif qui s’est donné un délai pour trancher « cette affaire particulièrement délicate », rien ne sera plus jamais comme avant dans le secteur de la prévention spécialisé en Loire Atlantique.
Jacques Trémintin