N° 1312 | Le 1er mars 2022 | Critiques de livres (accès libre)
Une histoire au masculin
Il est un mythe tenace qui attribue à l’histoire en général, et à celle des femmes en particulier, un sens naturel allant d’un état de servitude totale à une libération complète. Titiou Lecoq fait justice de cette idée reçue, en décrivant une chronologie qui démontre l’entremêlement d’époques faites à la fois de liberté et d’oppression. En commençant par une préhistoire marquée par une grande variation de la division du travail entre hommes et femmes, du fait de l’extrême diversité des normes sociales et culturelles, du climat et des saisons, de la composition et des modes de vie de chaque groupe humain. Depuis que le quart des tombes retrouvées par les archéologues sont celles de chasseuses, s’il est bien une répartition qui a volé en éclat, c’est la représentation d’hommes à la chasse et de femmes à la cueillette. L’avènement, au néolithique, d’un patriarcat dominateur a réussi à effacer les traces des femmes. Pourtant, elles abondent ! Avec, pour commencer, le premier texte jamais écrit qui remonte à 2300 ans avant JC : celui de la grande prêtresse Enheduanna. C’est aux peuples barbares et non aux civilisations grecques et romaines que l’on doit un traitement plus égalitaire. Le moyen-âge est peuplé d’archères et de chevaleresses défendant leur terre en portant l’armure, d’enlumineuses, de bâtisseuses de cathédrales, de maréchales-ferrants, d’orfévresses… Des femmes tiennent le pouvoir, jusqu’à ce que la loi salique les en chasse. La renaissance se confond avec la montée d’une haine qui fait tout pour réduire leur autonomie. Leur importance dans la littérature est minimisée, quand elle n’est pas niée. Les combats des deux derniers siècles réactualisent leur rayonnement. Chaque fois que les femmes gagnent en visibilité, elles sont effacées, avant de revenir sur scène.
Jacques Trémintin
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