L’Actualité de Lien Social RSS

Avant lui je connaissais le syndrome de Stockholm, de l’imposteur, de Diogène, d’Asperger et même de Peter Pan et voilà que j’en découvre un nouveau... Et pourtant, mon ignorance aurait préféré être préservée.

Placé, déplacé, replacé chez nous depuis un an, ce p’tit gars de dix ans erre sans but. Ballotté d’unités en services, cabas en main, il vivote et feint d’aller bien. Pourtant ses yeux s’assombrissent, son petit ventre s’arrondit, ses mots se brouillent, ses gestes s’empâtent, sa force s’amoindrit, sa volonté n’est plus.

Tout sourire et plein d’entrain, son arrivée fut pourtant pétillante. Projets en tête et tête en l’air, il souhaitait enfin vivre une vie de petit garçon ordinaire. Il se rêvait footballeur, anticipait ses sorties entre amis, se projetait dans une scolarité riche en curiosité, loin de de son monde de terreur.

Mais un jour il nous dit :
"vous aviez promis qu’ici on allait être protégé. Vous aviez dit que les adultes d’ici étaient là pour nous aider à grandir. Vous m’avez donné une chambre et une nouvelle maison. Et pourtant..."

Et pourtant, ici aussi, il a croisé le chemin des violences.
Celles qu’on appelle ordinaires, celles qui sont invisibles et incisives, celles qui sont aussi teintées de coups bien réels, celles qui font mal et tirent de lourdes larmes.

Il y croyait à ce tableau d’éducation sans encombre. Il l’a touchée des mois durant ce beau dessein tant espéré. Il s’y est pris au jeu de l’innocence retrouvée et s’est blotti un temps durant dans ces bras rassurants de l’institution protectrice. Mais pourtant.

Mais pourtant son passé l’a rattrapé, il a dû dénoncer, accuser, enfermer, ses parents malveillants espérant trouver une épaule réconfortante dans cette nouvelle vie promise.
Et les promesses furent vaines.

L’établissement va mal. Et lui avec.
Le personnel décroche. Et lui aussi.
Les adultes pleurent un système insécurisant. Et lui gémit.
Les professionnels déraillent. Et lui, subit.

Ses figures d’attachement outrepassent les limites, ses références quotidiennes perdent en contenance, ses repères à peine investis s’écroulent le laissant seul avec ses troubles et ses blessures.
Petit homme démuni réagit en violence.
Les adultes payent la confiance envolée par des coups incessants.
De pompiers en HP, petit gars est soigné. Et pourtant.

Pourtant son esprit s’emmêle, il frôle la folie.
Son corps s’épaissit, il ne cesse de se remplir.
Ses désirs s’inhibent, il erre de mal en pis.
Son monde se plaint, quand lui se vide.

Le foot est à l’arrêt.
L’école est en suspens.
Sa chambre est désertée.
Sa réorientation est amorcée vers un lieu plus adapté.
Et pourtant. Il porte le syndrome de l’institution... En souffrance, insécurité, errance, fragilité.

L’adulte protecteur
Devient bourreau impuissant.
L’enfant doux rêveur
Devient pantin impotent.
La séparation doit être actée pour qu’il puisse enfin se retrouver.