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📝 Tribulations dâune assistante sociale de rue - Chutes et rechutes
Un travailleur social est souvent tĂ©moin de la dĂ©gradation de certaines situations. Dâailleurs, il faut se le dire, il assiste plus souvent Ă des Ă©checs quâĂ des rĂ©ussites. Celles-ci, bien que rares, sont dâautant plus prĂ©cieuses quâelles renforcent souvent le sentiment de ne pas exercer ce type de mĂ©tier pour rien.
Ainsi, nous observons, bien trop souvent avec la puissance de lâimpuissance, des dĂ©chĂ©ances, de lentes glissades vers la perte et la destruction, sans que cela ne nous atteigne rĂ©ellement. Puis un jour, se prĂ©sente une situation qui nous impacte, Ă©motionnellement parlant. A ce moment-lĂ , une floppĂ©e de questionnements nous percutent violemment : est-ce que jâatteins mes limites ? Suis-je le tĂ©moin docile et dĂ©sarmĂ© dâun dĂ©sastre Ă venir ? Pourquoi le contre-transfert mâatteint juste ici ? Consciemment, nous savons nây ĂȘtre pour rien, que lâAutre est maĂźtre de son destin, alors pourquoi une culpabilitĂ© Ă©clot ?
Ensuite, nous ne pouvons pas nous empĂȘcher de remonter le fil de lâintervention menĂ©e, de nous demander oĂč nous avons pu fauter, parce que lâacceptation pourrait aussi devenir de la rĂ©signation.
Petit apartĂ© ici : je vois venir les « vieux briscards » du social murmurer : « encore une jeune professionnelle qui se prend la rĂ©alitĂ© de plein fouet ! Nous, nous sommes habituĂ©s ! », bah non, ce nâest pas le cas dans ce billetâŠ
Pour en revenir au sujet, vous le savez, il sâagit typiquement de ce genre de journĂ©e oĂč il devient impĂ©rieux dâaller boire un verre avec des collĂšgues ou de rencontrer des visages amis, afin dâĂ©loigner rapidement la tristesse, la souffrance et la dĂ©solation absorbĂ©es lors de ces longues heures de travail. Certains jours, il est aisĂ© de faire un pas de cĂŽtĂ©, quand dâautres soirs, nos rĂȘves â ou cauchemars â se peuplent de pensĂ©es tonitruantes dâinutilitĂ© remettant en question tant de valeurs et dâoptimisme.
Alors comment éviter de devenir ce travailleur social désabusé, épuisé et aigri que nous connaissons tous ?
Je suis convaincue quâun grain de folie est nĂ©cessaire pour exercer ces mĂ©tiers, il peut nous Ă©viter de sombrer dans la dĂ©prime quand nous devenons un tĂ©moin rĂ©current de la noirceur du monde.
Suis-je folle ? Je lâespĂšre bien â mais pas au sens psychiatrique du terme hein ! â, je suis de celles qui sont un peu excentriques, qui sculptent progressivement leur naĂŻvetĂ© pour nâapercevoir que du positif, qui trĂ©buchent rĂ©guliĂšrement mais se redressent toujours.
Cette fois encore, jâespĂšre que ces chutes â la mienne et celle de lâAutre â ne seront que constructives et non dĂ©tĂ©rioratives dâun moral qui flanche mais qui cimente toute intervention, tout comme jâattends patiemment que ma folie revienne pour me raccrocher au principe que rien nâest immuable !
Est-ce si fou de croire en lâAutre ?