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🖋 Autoportrait de travailleur social âą Vincent-SosthĂšne Fouda-Essomba, chargĂ© de mission Ă lâEspace de rĂ©flexion Ă©thique des Hauts-de-France â CHU de Lille.
« Un assistant de service social chargĂ© de mission ? Câest la question que beaucoup me posent quand ils voient ma signature »
Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?
Co-construction avec celles et celles qui poussent la porte de mon bureau un projet dâaccompagnement qui leur permette de se prendre en main, de ne plus avoir besoin de nos services. Un assistant de service social chargĂ© de mission ? Câest la question que beaucoup me posent quand ils voient ma signature. Oui, appelĂ© par un hĂŽpital Ă apporter une vision sociale des sujets qui sont traitĂ©s au quotidien Ă lâEspace Ă©thique, aller Ă la rencontre de mes collĂšgues en service dĂ©jĂ Ă lâhĂŽpital qui est mon employeur principal mais aussi dans lâensemble des structures hospitaliers de la rĂ©gion, pour discuter avec eux de leur implication dans la vie des patients quâils rencontrent, câest mon domaine, câest le domaine de la santĂ© sociale qui fait partie intĂ©grante de la dĂ©finition que lâOMS donne de la santĂ© Ă savoir : « La santĂ© est un Ă©tat de complet bien-ĂȘtre physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou dâinfirmitĂ© ». Alors je mâattĂšle au quotidien Ă permettre Ă mes collĂšgues Ă intĂ©grer et Ă partager dans leur travail cette dimension de santĂ© sociale auprĂšs des patients mais surtout auprĂšs de nos ainĂ©s.
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?
Un changement dâorientation ? Un retour Ă une voix intĂ©rieure longtemps ignorĂ©e ou pas Ă©coutĂ©e ? Les deux peut-ĂȘtre. Je viens dâune famille nombreuse oĂč les ainĂ©s se sont toujours occupĂ©s des cadets. Dernier de cette nombreuse fratrie, jâai donc plus observĂ© et de cette observation, jâai dĂ©couvert la beautĂ© de la gratuitĂ© du don de soi pour le bien-ĂȘtre des autres. Alors que jâĂ©tais enseignant dâuniversitĂ©, un de mes collĂšgues a eu une maladie neurodĂ©gĂ©nĂ©rative prĂ©coce qui lâa fait souffrir avant de lâemporter. En ce moment lĂ jâai dĂ» mâarrĂȘter pour me poser une des questions peut- ĂȘtre existentielle de la vie : est-ce que lâexistence humaine rime Ă quelque chose ? Est-ce que ma vie a signifiĂ© jusque lĂ quelque chose ? Y a-t-il une vie aprĂšs la mort ? Quel type de rĂ©ponse peut-on espĂ©rer ? Il est difficile de vous donner aujourdâhui les rĂ©ponses qui furent les miennes Ă ce moment lĂ , mais jâai compris que ma rĂ©elle vocation est dans le social. Je voulais mâoccuper des personnes en fin de vie pour les accompagner Ă traverser, simplement en Ă©tant lĂ . Pour le faire, il me fallait une formation, alors jâai commencĂ© par lâĂ©pidĂ©miologie et enfin par les Ă©tudes dâassistant de service social.
Quelles formations avez-vous suivies ?
Jâai eu mon baccalaurĂ©at trĂšs tĂŽt, entre 15 et 17 ans, un baccalaurĂ©at A1 option lettres-mathĂ©matiques. Ce qui mâa ouvert les portes des classes prĂ©paratoires lettres hypokhĂągne et khĂągne avant dâintĂ©grer lâĂcole de Journalisme puis Sciences Po. Jâai donc couru aprĂšs les diplĂŽmes sans trop bien savoir vers qui jâallais et pourquoi je le faisais. Câest aprĂšs tout ceci et aprĂšs une riche carriĂšre comme enseignant que je suis allĂ© faire mes Ă©tudes dâassistant de service social en reprenant tout Ă zĂ©ro pour ĂȘtre au mĂȘme niveau que mes promotionnaires deux fois plus jeunes que moi. Ces trois annĂ©es mâont ouvert de maniĂšre professionnelle Ă lâaccompagnement collectif et individuel. Ces deux types dâaccompagnement nous forment Ă lâĂ©coute, Ă lâeffacement de soi, et surtout Ă la co-construction avec lâautre de son devenir, Ă son rythme et enfin tout ceci est adossĂ© sur une connaissance exigeante des politiques sociales. LâInstitut Social de Lille est mon Alma Mater.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Toute ma profession est encore devant moi, jâai fait de nombreux accompagnement avec des souvenirs inoubliables, pas par leur succĂšs, mais tout simplement par et pour ce que nous avons pu construire ensemble. Je viens dâachever une Ă©tude qui va paraĂźtre bientĂŽt dans une revue scientifique sur « les assistants de service social comme porteur de la santĂ© sociale, pilier de la cinquiĂšme branche de la sĂ©curitĂ© sociale ». Jâai rencontrĂ© environ deux cents professionnels du social et nous avons Ă©changĂ© sur cette notion. Au moment oĂč lâon parle de lâEhpad de demain, jâai vu dans les yeux de mes collĂšgues une ouverture vers dâautres perspectives qui les recentrent vers le cĆur de lâactivitĂ© sociale qui nâest pas la santĂ© psychologique ou la santĂ© physiologique. Alors oui, câest quelque chose qui me fait chaud au cĆur quand je ferme les yeux et que je vois lâavancĂ©e de la profession en milieu hospitalier et en Ehpad. Un jour, jâai trouvĂ© une solution Ă une situation qui traĂźnait depuis des annĂ©es, toute la famille est venue dire merci Ă toute lâĂ©quipe au bureau, la joie dans leurs yeux nous a fait pleurer.
Le pire ?
Mon cerveau Ă tendance Ă vite Ă©vacuer les moments dâincomprĂ©hension, des moments difficiles. Il est fort possible quâils en existent mais ils mâaident Ă bĂątir les lendemains meilleurs. Je suis dans une profession et dans un service qui ne me permettent pas de rester sur ce que vous nommez le pire.
Quel est votre livre de chevet ?
Jâai lu il y a quelques annĂ©es un livre de Xavier Bouchereau Au cĆur des autres, journal dâun travailleur social (Accent aigu, Ăditions Sciences humaines). Cet ouvrage est vieux de quelques annĂ©es, mais vous savez ce quâon dit du vin, il est meilleur en vieillissant. Il nâest jamais loin de ma somme des politiques sociales. Je ne sais pas sâil est mon livre de chevet car je fais un effort de ne pas avoir de papier dans ma chambre afin que celle-ci demeure un lieu de repos. Xavier Bouchereau (1) est donc dans mon sac je lâamĂšne au bureau et je le ramĂšne Ă la maison tous les jours, il mâaide Ă comprendre le travail que je fais et Ă lâapprĂ©cier chaque jour plus.
Enfin Lâ Africain (Ăd. Gallimard, 2004) de Jean-Marie Gustave Le ClĂ©zio qui est une quĂȘte des origines entre les images et les mots.
(1) Ă lire
Retrouvez les précédents autoportraits
🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Ăducateurs et dâun lieu de vie et dâaccueil
🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative
🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes
🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain
🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur
🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)
🖋 Sadek Deghima, chef de service dâun club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e
🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice
🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents
🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social
🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »
🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999
🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie
🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur
🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social
🖋 Ămilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante
🖋 Ingrid Romane, Ă©ducatrice en maison dâenfants Ă caractĂšre social dans le var
🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de lâenfance et consultant indĂ©pendant
🖋 StĂ©phanie Liatard, travailleuse sociale au QuĂ©bec, Canada
🖋 Audrenne Henke, directrice dâĂ©tablissement.
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