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■ ACTU - Crack à Paris, le médico-social mis en échec par l’Intérieur
« Soignez-les, protégez-nous. » Depuis un an, à proximité de la porte de la Villette dans l’Est parisien, les riverains du square Forceval subissent le voisinage d’un campement de consommateurs de crack. Ils ont été orientés là par les forces de l’ordre afin de libérer le jardin d’Éole dans le 18e arrondissement. A l’époque, le ministre de l’intérieur affirmait que la situation ne durerait que « quelques jours ».
Aujourd’hui, 150 personnes y dorment, 600 y passent tous les jours pour acheter et consommer. La préfecture avait fait le choix de ce lieu, jugé peu habité. Ce 24 septembre, les riverains se montrent et manifestent avec leurs élus de secteur pour rappeler le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, à ses responsabilités. Ils demandent l’évacuation immédiate du camp.
Le 24 septembre, des dizaines de riverains se sont réunis devant cette banderole à l’appel de l’association 93 Anti-Crack et du maire PS du 19e arrondissement.©IP3 PRESS/MAXPPP
Médecin du monde regrette cette dynamique de concentration avec un prisme uniquement répressif. L’ONG va jusqu’à dénoncer « une crise humanitaire orchestrée par les pouvoirs publics ». « Où est le ministère de la santé, comment se fait-il que les pouvoirs publics parquent des personnes pour les laisser mourir, interroge Marie Debrus, référente réduction des risques liés aux usages de drogues. Leur santé ne cesse de se dégrader et les violences de se multiplier, avec des agressions et des viols, sous le regard des habitants excédés et des forces de l’ordre constamment présentes. Dans ce contexte, les professionnels du sanitaire et du médico-social sont mis en échec et s’épuisent face au manque de cohérence des politiques. »
Crise humanitaire
A Paris, depuis les années 90, la problématique de la consommation de crack est abordée sans vision globale. Les moyens financiers considérables attribués à la surveillance policière font défaut aux dispositifs de soins. Pourtant, le 22 septembre, la fédération addiction (1) en partenariat avec les chercheurs du Centre d’études des mouvements sociaux (INSERM/EHESS/CNRS) ont présenté un « plan pour la disparition des scènes ouvertes de consommation de drogues ». Il s’appuie sur l’expérience de nos voisins européens, Suisse, Pays-Bas, Allemagne, Portugal.... En Suisse, par exemple, où la situation était similaire dans les années 80, la mise en œuvre d’une politique dite des quatre piliers a fait la preuve de son efficacité : prévention, thérapie et « soins », réduction des risques, réglementation et exécution de la loi.
Articuler RDR, soins, hébergement
« À partir du moment où les pouvoirs publics ne donnent pas les moyens d’un dispositif cohérent avec des salles de consommations à moindre risques, des sas de repos, de l’hébergement adaptés et de l’accès aux soins somatiques et psychiatriques, on laisse se diffuser l’idée que le travail des acteurs de la réduction des risques n’est pas efficace, » affirme Marie Debrus. Pourtant, les acteurs du secteur sanitaire et médicosocial travaillent depuis des années avec les personnes précarisées consommatrices de drogues et démontrent leur capacité à améliorer la situation. Des préconisations émergent de leurs expériences sur le terrain. Transmises de nombreuses fois aux pouvoirs publics et malgré l’inscription de la réduction des risques dans la loi, elles restent lettres mortes. À chaque fois, ça bloque au niveau de la préfecture et finalement le ministère de l’Intérieur a le dernier mot.
Myriam Léon
1 : Aurore, Charonne-Oppelia, le Groupe SPS, Gaïa Paris, l’association Addictions France, l’hôpital Marmottan, Médecins du monde, Prose et SAFE
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