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■ ACTU - Mineurs isolés • Sortir de l’invisible
« Je veux aller à l’école, pas devenir vagabond », Moussa, jeune malien de 17 ans se plaint de ne pas pouvoir dormir la nuit. Les voitures qui circulent de chaque côté du square Jules Ferry l’empêche de trouver le sommeil. « Ceci n’est pas une colonie de vacances », clame la pancarte à l’entrée de ce square parisien.
Deux semaines que près d’une centaine de jeunes en recours pour faire valoir leur minorité ont été installés au centre de cet axe parisien vers la place de la République, sous des tentes, par cinq associations – Médecins sans frontières, le Comede, les Midis du Mie, la Timmy et Utopia 56. Elles alertent sur l’absence de toute prise en charge de ces jeunes par les pouvoirs publics. Et rien. Aucune solution proposée.
Différents élus sont passés, des lettres d’interpellation ont été envoyées au Premier ministre, aux ministères de la Santé, de la Justice, de l’Intérieur, aux présidents des conseils départementaux concernés, à la préfecture d’Ile-de-France. Toujours rien. « Les personnes se déclarant mineures et isolées doivent être considérées comme des enfants en danger et protégées comme tels, sans distinction de nationalité, jusqu’à la décision judiciaire finale statuant sur leur situation », martèlent les cinq associations.
Interrogatoires suspicieux, demandes d’expertises osseuses aux résultats contestés, plateforme d’accueil des mineurs inaccessibles, recours juridiques sans fin, autant de raisons qui depuis de nombreuses années rejettent à la rue des mineurs isolés. Pourtant, au bout de leur recours, 56% des adolescents dont la minorité était contestée, accompagnés par MSF en 2018, étaient finalement reconnus mineurs par le juge des enfants. En attendant cette décision judiciaire, ces enfants sont livrés à eux-mêmes pendant des mois, à la rue.
Par cette action, inédite, un campement au cœur de la capitale, ces associations ont voulu mettre la lumière sur ces jeunes qui n’entrent dans aucun dispositif. « Cet abandon a notamment été flagrant durant la pandémie de Covid-19 où les associations et collectifs citoyens ont été les seuls soutiens de centaines de mineurs isolés étrangers », souligne MSF. Elle réclame une véritable prise en charge adaptée par les conseils départementaux en charge de la protection de l’enfance.
Sortir du bénévolat
Si dans les premiers jours du campement, le battement médiatique sur ces situations a été inédit, depuis l’intérêt retombe et les associations se préparent à tenir dans la durée. « On ne dérange personne, c’est hyper calme, très bien tenu », explique Agathe Nadimi des Midis du Mie qui ne s’attendait pas à ce que la situation s’embourbe. « Notre volonté était de faire un coup d’éclat, de mettre la lumière sur ces situations et de dire que nous ne voulons plus que leur prise en charge repose sur les seuls collectifs citoyens et les associations », avance-t-elle.
« Nous sommes tous épuisés, cela fait cinq ans que les associations font de l’hébergement solidaire », ajoute-t-elle. Les Midis du Mie privilégie désormais l’hébergement collectif dans des lieux prêtés, plus simple à gérer que l’hébergement solidaire chez des particuliers. « Nous passions notre vie à chercher la relève », témoigne Agathe. « Aujourd’hui, nous disons stop, nous ne voulons plus faire cela, ce n’est pas à nous de mettre à l’abri tous ces mineurs en recours, c’est aux institutions ».
La mairie de Paris, représentée par Ian Brossat, chargé du logement, et Dominique Versini, chargée de la protection de l’enfance, a visité le campement ; elle renvoie vers la préfecture, évoque la possibilité d’un cofinancement d’un lieu adapté, mais pour l’instant rien de concret. Et Paris n’est pas seule concernée, beaucoup des jeunes isolés étrangers présents sur le campement dépendent d’autres départements d’Ile-de-France. Qui ne se sont pas manifestés.
Les associations l’assurent : elles n’accepteront pas n’importe quelle solution. Quelques jours après l’installation des tentes, la proposition d’un dispositif adulte par la préfecture a été vivement rejetée. Elles exigent une prise en charge réelle et systématique avec un accompagnement éducatif, sanitaire et social de tous ces jeunes. En attendant, elles ne lèveront pas le camp.