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■ ACTU - Prison et pauvreté • cercle vicieux
Prison et pauvreté entretiennent des liens étroits. A partir de ce constat, Emmaüs France et le Secours catholique ont mené une enquête pour analyser ces liens en interrogeant les personnes détenues et sorties de prison, en leur demandant leurs préconisations de lutte contre la pauvreté. Des groupes de travail avec des organisations partenaires ont ensuite consolidé ces propositions. Les résultats « mettent en évidence l’existence d’un cercle vicieux de pauvreté-incarcération ».
L’enquête montre que les personnes pauvres sont massivement surreprésentées en détention. Parmi les personnes interrogées, 15% déclarent avoir été sans ressources financières avant leur incarcération, seule la moitié avait un emploi, 31% présentaient des solutions d’hébergement précaires, 8% étaient sans domicile. Ces résultats amènent à s’interroger, souligne le rapport, « sur le rôle de la justice pénale dans le processus de criminalisation de la misère ».
Autre constat : la prison accroit la pauvreté, des situations ensuite « scellées par les conditions de sortie de prison qui, manquant de préparation et de progressivité, exposent les personnes les plus vulnérables à une précarité économique et sociale encore plus importante ».
- Source : rapport Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison, Secours catholique, Emmaüs France, octobre 2021
L’enquête s’est également appuyée sur des séances d’observation d’audiences en comparution immédiate dans les tribunaux de Nanterre et Paris. Leurs constats sont sans appel : sur 14 personnes jugées en comparution immédiate, six étaient sans emploi, six n’avaient pas d’hébergement stable, huit étaient de nationalité étrangère, cinq étaient sans revenus et cinq autres avaient des revenus en dessous de 500 euros par mois, enfin six souffraient de problématique d’addiction. Parmi elles, douze ont été condamnés à de la prison ferme. Et les auteurs de souligner : « Dernier maillon d’une chaine d’exclusions et symbole des échecs successifs des politiques sociales, la prison fonctionne aujourd’hui comme un mode de gestion de la pauvreté situé à l’abri des regards ».
A l’intérieur des murs, la pauvreté exclue encore. Le coût de la vie en détention est estimé à 200 euros par mois qui ne tiennent pas compte des dépenses extérieures : loyers, pension alimentaire, crédits, dette pénale… Et le travail en prison reste difficilement accessible, seul un quart des personnes détenues y accède. Les salaires ne dépassent pas 45% du SMIC soit 4,61 euros de l’heure pour, en moyenne, 17 heures par semaine. Enfin, la sortie de prison fragilise encore un peu lorsqu’elle n’est pas préparée. Or, les « sorties sèches » reste une réalité pour les trois-quarts des personnes détenues.
Pour sortir de ce cercle vicieux, le rapport préconise un recours massif aux alternatives non carcérales, la refonte de la procédure en comparution immédiate « particulièrement défavorable aux personnes en situation de pauvreté et pourvoyeuses d’incarcération ». Il prône le développement d’offres d’emploi en prison, plus diversifiées, de meilleure qualité et mieux payées mais aussi d’offre de formation. Il appelle à permettre aux personnes étrangères d’accéder à leurs droits, notamment d’interprétariat et d’accompagnement vers le droit au séjour. Et propose une série de mesures pour maintenir les liens familiaux qui offrent plus de chances de réinsertion aux personnes détenues. Enfin, il appelle à consolider l’intervention des associations en détention et à mettre en place une forte politique d’accompagnement à la sortie, réel outil de lutte contre la récidive.
Marianne Langlet