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► LE BILLET DE Ludwig • En panne…
J’ai vu mon collègue dépérir. Au fil des mois, se renfermer sur lui-même. Lui qui était si dynamique, positif, plein d’idées, érudit, leader, lorsqu’il est arrivé, s’est démotivé, éteint petit à petit. Je passais devant son bureau et je le voyais perdu dans ses pensées. Lors de nos discussions, je n’apercevais plus cette lueur, cette croyance dans ses yeux. Pendant les réunions, il semblait abdiquer devant les injonctions de rentabilité, de chiffre, de traçabilité de l’activité, de logiciel à tenir à jour. Mettre en place des projets ? Il n’y a plus de sous. Mais remplir des grilles, répondre aux mails et à la bureaucratie envahissante, ça, c’était demandé. Les tâches semblaient ne pas être en adéquation avec ses potentialités. Oui, sa fonction ne correspondait pas à ses capacités, on ne lui demandait qu’à être un exécutant, de ne surtout pas réfléchir ou de venir interroger l’institution. Dissonance de valeurs. Perte de sens. Banalisation ennuyeuse des activités. Ecart entre le prescrit et le réel. Pieds et poings liés, en défaut d’élaboration collective, en manque de moyens, de reconnaissance, d’apports narcissiques. Il semblait perdu. Fatigué. Ensemble, nous avons mis des mots sur ses symptômes. Brown-out. Vous avez bien lu, « brown-out » et non « burn-out ».
Expression anglaise empruntée au domaine de l’électricité, évoquant une coupure d’électricité, une chute de tension, une panne de courant, le brown-out désigne une baisse volontaire ou involontaire de l’intensité pour éviter la surchauffe. Appliquée aux salariés, elle exprime une baisse de l’engagement, conséquence d’une perte de sens au travail. Le brown-out exprime la douleur et le malaise ressentis suite à la perte de sens de ses objectifs de travail et à l’incompréhension complète de son rôle dans l’établissement. C’est un manque de sens dans son travail, notamment dû à la réalisation de tâches absurdes et non stimulantes. Il s’agit d’une pathologie que l’on retrouve notamment dans le cas de personnes ayant un certain niveau d’étude et/ou de compétences et qui se retrouvent à exécuter un travail dévalorisant vis-à-vis de leurs connaissances et expériences. Les conséquences sont importantes et il faut bien avouer que j’en repérais bien chez mon collègue : sa perte de motivation en était le symptôme numéro 1. Mais aussi sa baisse de forme physique, son appréhension à revenir le lendemain, sa baisse d’intérêt pour le travail, sa mise en retrait lors des réunions ou ses évitements, ses absentéismes et son irritabilité dégradant ses relations interpersonnelles.
Ça lui a fait du bien de comprendre ce qui lui arrivait. D’avoir eu une écoute. Il a pu réfléchir à la suite, se poser les bonnes questions, et il a préparé son départ vers d’autres horizons. Je crois qu’il va mieux maintenant, là où il est.