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■ ACTU - Prison • Enfants enfermés
La France enferme de plus en plus de mineurs. Au 1er janvier 2020, 804 mineurs se trouvaient incarcérés dans un quartier mineurs d’un des 47 établissements pénitentiaires qui en disposent ou dans un des six établissements pénitentiaires spécialisés pour les mineurs contre 670 dix ans auparavant. Dans un rapport rendu public le 3 mars, la contrôleure des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, alerte : « la délinquance des mineurs n’est pas en augmentation, pourtant le traitement de leur passage à l’acte fait l’objet d’une plus grande sévérité ». Or dans ces lieux, l’accès à l’éducation, aux soins, aux liens familiaux est mis à mal creusant un peu plus les difficultés de ces adolescents. Car ce sont souvent les plus fragiles d’entres eux, les plus en difficultés qui s’y retrouvent, ces adolescents désignés comme « incasables » parce que cumulant des problématiques familiales, sociales, psychiatriques… Les mineurs non accompagnés sont également nombreux en prison. « Ils sont manifestement incarcérés en raison de l’absence de garanties de représentation liée à leur situation sociale car, la plupart du temps, les faits qu’ils ont commis ne conduiraient pas à l’incarcération d’un mineur vivant avec sa famille », note la contrôleure qui préconise « un accompagnement spécifique », pluridisciplinaire pour mieux répondre à ces situations.
Au delà de la prison, la contrôleure pointe d’autres lieux d’enfermement comme les centre de rétention administrative. En 2019, 135 familles avec 276 enfants ont été placés en CRA en métropole ; 2263 familles avec 3095 enfants en outre-mer. Une pratique contraire aux droits fondamentaux, relève Dominique Simonnot. « Le principe même de l’enfermement des enfants doit être remis en question car il constitue une atteinte à leur intégrité psychique, quels que soient leur âge et la durée de l’enfermement ».
Les hospitalisations de mineurs de moins de seize ans en psychiatrie connaissent, depuis 2014, une augmentation régulière, pointe le rapport. Il relève des hospitalisations dans des établissements qui ne sont pas spécialisés pour les mineurs avec des pratiques de placement en chambre d’isolement pour assurer leur sécurité et les séparer des adultes. La contrôleure appelle à ce que tous les lieux de privation de liberté susceptibles d’accueillir des mineurs soient aménagés « afin de respecter le principe de séparation des mineurs et majeurs ».
Elle s’interroge enfin sur la politique des ressources humaines des lieux de privation de liberté et notamment des centres éducatifs fermés (CEF). Turn-over, manque de formation, précarité des postes, manque d’encadrement… « Souvent, les acteurs de la prise en charge des mineurs n’ont pas reçu une formation suffisante et, plus rarement, manquent de motivation », elle préconise une formation adaptée, initiale et continue. Et s’interroge sur le projet de création de 20 CEF supplémentaires quand « la priorité devrait plutôt être d’améliorer les conditions de prise en charge de ces mineurs sous main de justice ». Car ces centres cumulent les critiques : « qualité insuffisante des projets éducatifs, insuffisante association des familles ou des éducateurs du milieu ouvert à l’action éducative, conditions matérielles de prises en charge souvent inadaptées et surtout instabilité et absence de formation des équipes ». Des critiques déjà formulées dans un rapport remis au gouvernement par l’inspection générale des affaires sociales en 2015, sans que rien ne bouge.
Marianne Langlet