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■ ACTU - Prostitution • Cinq ans de pénalisation
- Manifestation à Paris du 13 avril contre la loi de pénalisation des clients de la prostitution. (c) Sophie Zaccaria - Médecins du Monde
La Cour européenne des droits de l’homme examinera les requêtes transmises en décembre 2019 par 261 travailleuses du sexe. Elles veulent faire reconnaître l’atteinte à leurs droits fondamentaux que provoque la pénalisation des clients. Cette décision de la Cour européenne rendue le 12 avril dernier est saluée par toutes les associations communautaires et de santé dans un communiqué commun publié le 19 avril. Elles se félicitent que la Cour ait estimé « que les arguments développés par les requêrant.e.s étaient suffisamment sérieux pour mériter un débat contradictoire avec le gouvernement ».
Précarité accrue
La loi de « lutte contre le système prostitutionnel » qui installe cette pénalisation fêtait le 13 avril ces cinq ans. A cette occasion, les associations communautaires et de santé présentaient son bilan et revenaient sur ses conséquences sur les personnes prostituées. Augmentation et aggravation des violences, isolement, éloignement des structures se soins et des associations, précarité sans précédent aggravée par la crise sanitaire, le tableau reste toujours aussi sombre. Le parcours de sortie (le volet dit social de la loi) qui devait aider les personnes qui désiraient sortir de la prostitution n’a, à ce jour, bénéficié qu’à 400 femmes depuis le début de sa promulgation selon le haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes.
330 euros par mois
Ce dernier « regrette que les promesses historiques contenues dans la loi soient insuffisamment tenues dans leur mise en œuvre » et appelle à une « mise en place plus ambitieuse », un allongement de ce parcours de 6 mois à un an et une augmentation de l’aide financière actuellement plafonnée à 330 euros par mois non cumulable avec d’autres allocations. Actuellement, ce parcours propose en plus de cette allocation, un accompagnement vers l’emploi et une autorisation provisoire de séjour de 6 mois pour les personnes étrangères.
Aide conditionnée
L’association Grisélidis à Toulouse est l’une des rares associations communautaire à proposer ce parcours. Si elle reconnaît que ce dispositif peut répondre à des besoins, elle dénonce un parcours conditionné à l’arrêt de la prostitution et extrêmement difficile à obtenir. Son obtention dépend de la décision d’une commission préfectorale qui se réunit tous les trois mois et étudie les dossiers constitués par les associations agréées pour proposer ce parcours. « L’accès à ce dispositif est soumis à un certains nombre de critères précis, difficile à atteindre, qui font, qu’au final, il n’est pas accessible à l’ensemble des travailleuses du sexe », précise June Charlot de l’association Grisélidis.
dispositif au rabais
Ces critères changent d’un département à l’autre. Par exemple, en Haute-Garonne, il est demandé un acte de naissance authentifié. Impossible à obtenir pour des femmes nigérianes victime de réseau « car c’est leur demandé de reprendre contact avec des intermédiaires au pays, c’est-à-dire avec le réseau », souligne June Charlot. Irène Aboudaram de Médecins du Monde rappelle que leurs associations plaidaient non pas pour un parcours spécifique « au rabais » mais à la mise en place d’un dialogue interministériel pour faciliter l’accès au droit commun. « Actuellement le fait que la prostitution ne soit traitée que par le prisme de l’égalité femme-homme pose problème parce que la question doit être étudiée au niveau de la Santé, de l’Intérieur, des Solidarités…", poursuit Irène Aboudaram. Elle regrette un « prisme idéologique » qui empêche toutes avancées concrètes.
Marianne Langlet