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■ ACTU - Révoltes urbaines, la PJJ en première ligne
Suite aux révoltes urbaines, Marielle Hauchecorne, Marc Hernandez et Jacqueline Francisco, membres du bureau national du SNPES-PJJ/FSU, dressent un état des lieux du travail des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse face à une justice parfois expéditive.
Le 30 juin, le ministre de la Justice publie une circulaire demandant une réponse pénale « ferme, rapide et systématique ». ©Berta Ferrer/Pixabay
Comment ces événements se traduisent-ils dans vos échanges avec les jeunes ?
En entretien éducatif, le sujet de la mort du jeune Nahel a occupé les échanges, surtout pendant la période des révoltes urbaines. Depuis, les jeunes pensent, à juste titre, à profiter de leurs vacances. Il s’est souvent agi dans les échanges « à chaud » avec eux de les rassurer sur notre capacité en tant qu’adultes à comprendre leur colère et cette révolte mais aussi à leur expliquer ce qu’ils/elles risquent tant du point de vue d’une mise en danger que sur le plan judiciaire, en passant à l’acte. Le travail éducatif au quotidien consiste à les accompagner dans une réflexion la plus large possible, en fonction de là où ils en sont, sur leurs besoins et leurs projets, comprendre leurs passages à l’acte et les aider à se projeter dans un avenir plus serein. Ceci dit, les jeunes que nous accompagnons sont pour un grand nombre d’entre eux, très souvent contrôlés par des policiers dans les quartiers où ils résident ou vont à l’école. Ils savent ce qu’un refus d’obtempérer peut coûter du point de vue judiciaire, car certains ont pu avoir des convocations devant le juge des enfants pour ce motif. Ce sujet est récurrent dans les entretiens éducatifs, notamment en région parisienne.
Quelles sont vos observations de terrain sur l’exercice de la justice des mineurs dans ce contexte de révolte ?
Les collègues travaillant dans le cadre des permanences éducatives auprès des tribunaux pour enfants ont eu à rédiger des recueils de renseignements sociaux éducatifs (RRSE) pour les jeunes présentés devant la juridiction des mineur.es. Dans certains tribunaux pour enfants, comme celui de Bobigny (93) il nous a été rapporté que des parquetiers n’attendaient pas le rapport de RRSE et renvoyaient le jeune devant le juge des enfants, pour qu’il y soit jugé sur sa culpabilité. Il est à noter que beaucoup des jeunes arrêtés et présentés devant les juridictions "mineurs" n’étaient pas connus des magistrats ou de la PJJ. Dans ce contexte social extrêmement tendu, la commande politique en direction des Parquets est d’apporter des réponses fermes quelle que soit la situation individuelle des jeunes. Notre travail dans ces circonstances consiste à apporter un éclairage aux juridictions qui prenne en compte la question de l’effet de groupe, prépondérante dans ce type de faits. Néanmoins, la commande politique est à ce point forte qu’elle annule l’individualisation de la réponse pénale, qui est pourtant le principe fondateur de la justice des enfants/adolescents.
Comment analysez-vous les conséquences de cette réponse judiciaire très ferme ?
Concernant les jeunes majeurs arrêtés et pour certains condamnés à une peine de prison ferme (qui peut se traduire par un bracelet électronique), les réponses judiciaires ont pu être très lourdes. Elles impacteront probablement l’avenir de certains de ces jeunes, ne serait-ce que par l’interruption d’un parcours de formation pour ceux qui ont été placés en institution PJJ. Nous connaissons bien cela dans les situations où des jeunes de 16 ou 17 ans, voire parfois 15 ans, sont placés en centres fermés à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres de leur domicile familial, ce qui provoque une rupture de scolarité ou de parcours professionnel, irrémédiable. Sur place, ces jeunes ne raccrochent pas toujours avec une scolarité ou une formation professionnelle. Dans le cadre des révoltes urbaines, nous n’avons pas de données chiffrées, mais pour nous ces réponses judiciaires sont politiques, une démonstration de la puissance publique. Elles ne vont pas dans le sens d’un apaisement, pourtant souhaitable dans les circonstances actuelles.
Les parents ont été désignés comme responsables des violences commises par les jeunes et menacés de sanctions, comment cela se traduit-il ?
Il y a eu des consignes données pour que les services PJJ fassent remonter les situations où les parents des enfants déférés au tribunal ne s’étaient pas présentés. Avec cette consigne, comment ne pas faire le lien avec la polémique lancée par le gouvernement qui affirmait que ces révoltes étaient aussi le résultat d’une démission parentale qu’il fallait sanctionner. Depuis plusieurs années, le politique attend des services publics qu’ils se situent dans une mission de contrôle incompatible avec le sens de nos missions. Cela n’a pas été relayé par les professionnel.les qui ont déjà suffisamment de travail dans le cadre de l’accompagnement des jeunes qui leur sont confiés.
Dans les faits comment ont réagi les parents pendant cette période ?
Nombre de parents ont essayé de raisonner leurs enfants, mais nombre de parents comprenaient ces révoltes, car leurs enfants font partie de cette jeunesse qui se trouve confrontée à la police, soit parce qu’il y a eu effraction, soit dans le cadre de trop nombreux contrôles d’identité. Les professionnel.les de la PJJ sont restés attentifs tant aux adolescents qu’à leurs parents. Ces parents exprimaient leurs inquiétudes de voir leurs enfants arrêtés et déférés. Pour ceux dont ce fut le cas, certains ont pu témoigner de l’humiliation ressentie lorsqu’ils se sont présentés dans les commissariats pour récupérer leur enfant, ou au tribunal, devant le procureur spécialisé "mineurs". Là encore, ces procédés ne visent pas l’apaisement et sont regrettables.
Propos recueillis par Myriam Léon
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