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■ ACTU SOUTIEN-Tous des travailleurs pairs ?
Par Michel Defrance, Educateur spécialisé, directeur d’ITEP retraité, « conteur d’institution »
Je me garderai bien de prétendre définir ce qui nous constitue ! Quelles qu’en soit les formes et les responsabilités, l’exercice des travailleurs sociaux est tellement divers et riche que cette identité est un puzzle. Je ne peux qu’y apporter ma pièce en présentant mon parcours…
Après avoir été un enfant turbulent, l’image de mon frère de dix ans plus âgé, éducateur après avoir été scout, a été déterminante dans mon orientation professionnelle. Où aurai-je pu trouver un métier qui répondrait à la fois à mon hyperactivité, mon goût du risque, mon besoin de faire partie d’une bande de copains d’aventure ? Après avoir été pré-stagiaire dans un institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP), j’ai suivi ma formation d’éducateur spécialisé à Buc dans les années 70.
Formé par des créateurs du secteur
Devenu éducateur d’internat dans cet établissement, j’ai pu ressentir ce qui m’animait et m’y épanouir par les relations fortes et engagées, le risque de la rencontre avec ces adolescents agressifs, le partage d’activités nécessitant un plein engagement (alpinisme, spéléologie…), le sentiment d’être utile, de témoigner à des jeunes en difficulté psychologique que la vie valait le coup d’être vécue. Transmettre ce qui m’avait servi à me construire un système de références et de valeurs compatible avec une vie sociale respectueuse des autres me paraissait essentiel dans ce que je nomme une « mission » qui nous est confiée.
Partager des activités qui nécessitent un plein engagement.
Et le travail d’équipe. Dans cet établissement au-delà des différences de statut et de fonction, nous étions solidaires, épaulés par des cadres dont certains avaient participé à son ouverture. Des personnalités qui avaient été des résistants durant la guerre, conjuguant engagement politique et clinique. Quelle chance d’avoir été formé par des créateurs du secteur ! Les temps de réflexion clinique et d’organisation concrète des accompagnements des jeunes m’ont donné le goût du débat, de la controverse, de la confrontation pour convaincre de mes propositions. Le « psy » de l’époque était Jean Pierre Chartier qui n’avait pas son pareil pour nous soutenir dans nos élaborations cliniques, redonnant sens à ce que nous vivions souvent difficilement auprès de ces adolescents opposants.
Le goût de la réflexion et de la recherche
Pour étayer mon identité professionnelle naissante, j’ai beaucoup lu. Peut-être une revanche de l’élève inattentif. Lien Social notamment dès le premier numéro, Empan, Les Cahiers de l’Actif... La formation m’a donné ce goût de la réflexion et de la recherche. Je ne pouvais fonctionner qu’en interrogeant mon rapport à moi-même, pour ne pas en « encombrer » les jeunes car je me projetais trop facilement dans ce qui faisait écho chez moi. Peut-être étais-je un « travailleur pair », comme on dit maintenant. Mais ne sommes-nous pas justement tous, à des degrés divers, des travailleurs pairs ?
Cette capacité empathique, cette sensibilité aux difficultés des personnes dont on s’occupe, cette disponibilité d’écoute et de partage me paraissent constitutives de l’identité d’un travailleur social. Elle se travaille, elle est à soutenir au travers des activités professionnelles tout autant que dans sa vie privée par des allers et retours réflexifs permanents. Sans cette énergie, cette volonté qui se déploie dans les partages avec les collègues et notre entourage, nous perdons rapidement le sens et le plaisir d’aller à la rencontre. J’avais abordé ce métier d’éducateur comme un prolongement de ma personnalité, il est devenu un engagement aventureux comme si je travaillais au service d’une organisation non gouvernementales. Je pense que j’ai été un chef de service, un directeur, maintenant un administrateur d’associations d’action sociales, guère différent de l’éducateur que j’ai été…
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